ANALYSES

Lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux : Islamabad pointée du doigt

Tribune
26 février 2019


Réunis la semaine dernière (22 février) dans la capitale française le temps d’une session plénière annuelle, les 38 pays membres du Groupe d’action financière (GAFI[1]) ont eu l’occasion de pointer du doigt en ce début d’année fébrile les mauvais élèves de la communauté internationale en matière de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux.

Intervenant une semaine après le plus meurtrier attentat à avoir jamais frappé le Jammu et Cachemire indien[2] – une action revendiquée par le groupe terroriste Jaish-e-Mohammed (JeM), basé dans la province pakistanaise du Punjab -, Islamabad s’est une fois encore retrouvée au cœur des débats pour son engagement insuffisant à l’endroit de ces calamités contemporaines. Un positionnement peu flatteur qui pourrait avoir pour conséquence une possible inscription sur la liste noire du GAFI si les autorités pakistanaises ne font pas montre d’une détermination plus convaincante sur ces thématiques, notamment en matière d’investigation et de sanctions des entités et individus impliqués dans des actions relevant du terrorisme.

Lors de cette session de travail parisienne, le GAFI a ainsi mentionné plusieurs groupes terroristes et de structures radicales actifs de longue date au Pakistan, tels Al-Qaïda, l’Etat islamique (EI), le Jaish-e-Mohammmed (JeM)[3], le Lashkar-e-Taiba (LeT) ou encore les talibans (afghans), vis-à-vis desquels Islamabad est priée de « prendre des mesures correctives et des sanctions à leur encontre[4]’ », afin notamment que ces entités soient privées de la capacité de blanchir des capitaux ou de lever des fonds en lien avec des activités terroristes.

Malmené sur ce dossier délicat, pointé du doigt par le concert des nations, le gouvernement d’Imran Khan se cabre et déplore le fait d’être placé en situation défavorable en dépit ‘’d’efforts acharnés’’ (« hectic efforts ») – selon le ministre pakistanais des Finances Asad Umar[5] – qui, de toute évidence, ont peiné à convaincre une instance familière de ces séances d’autosatisfaction.

Islamabad s’est ainsi vue adressée par le GAFI un plan d’action en 27 points à mettre en œuvre d’ici septembre 2019, faute de quoi le Pakistan serait inscrit sur sa liste noire aux côtés de la Corée du Nord et de l’Iran…

Parallèlement, dans une enceinte plus universelle, l’ONU et son Conseil de sécurité sont mobilisés en cette fin février sur l’opportunité de sanctionner le dirigeant du Jaish-e-Mohammed (M. Azhar) en le plaçant à son tour sur la liste onusienne des entités et acteurs terroristes (United Nations designated terrorist groups and targeted sanctions), sur laquelle figure le JeM depuis 2002.

Plébiscitée par New Delhi, soutenue par Washington, l’inscription de cet individu[6] sur la liste onusienne a échoué ces deux dernières années, la faute au droit de véto exercé par un membre permanent du Conseil de sécurité (la République populaire de Chine). Devant l’émotion et l’indignation créées par le lourd bilan humain de l’attentat du 14 février au Jammu et Cachemire indien, le concert des nations, les grandes démocraties et leurs opinions publiques éreintées par ce fléau terroriste peineraient certainement à comprendre que le véto d’un membre permanent vienne à nouveau protéger l’instigateur décrié de tant de maux.

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[1] Un organisme intergouvernemental célébrant cette année son 30e anniversaire et fort d’une quarantaine d’Etats membres, dont l’Allemagne, l’Australie, la Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, la France, l’Inde, la Norvège, la Suisse ou encore Singapour.

[2] Une quarantaine de victimes parmi les forces de sécurité indiennes près de Pulwama (35 km au sud de Srinagar, la capitale d’été du Jammu et Cachemire indien), le 14 février ; voir à ce sujet la tribune de l’IRIS du 20 février 2019.

[3] Jeudi 21 février, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné à l’unanimité le JeM pour son action meurtrière au Cachemire indien, la Chine elle-même s’associant à cette condamnation…

[4] New York Times, 22 février 2019.

[5] Quotidien Dawn, 23 février 2019.

[6] À qui on impute depuis 2001 la responsabilité d’une noria d’attentats meurtriers perpétrés du Cachemire à New Delhi (Parlement, déc. 2011) en passant par Mazar-e-Sharif (Afghanistan, contre le consulat indien).
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