ANALYSES

Sommet Trump – Kim Jong Un : la Corée du Nord n’est elle qu’un tigre de papier surestimé ?

Presse
12 juin 2018
Atlantico : En ce jour de rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un, dans quelle mesure le risque lié à la course vers une guerre nucléaire de la part de la Corée du Nord pourrait-il être exagérée ? En quoi la rationalité du régime de Pyongyang, et sa dépendance vis à vis de la Chine pourraient-elles infléchir le degré de cette menace ?

Jean-Vincent Brisset : La première chose à dire est que le risque d’une guerre nucléaire est la négation de la dissuasion, que cela soit de la dissuasion du fou au fort ou celle du fort au fort.

Cela est quelque chose qui n’existe pas vraiment. L’usage de l’arme nucléaire, c’est l’échec de la dissuasion. Dans cette logique de dissuasion, ce qui est indispensable, c’est de posséder l’arme nucléaire, de dire que l’on dispose d’une arme crédible, et surtout pas de l’utiliser.

La rationalité du régime de Pyongyang est quelque chose de complexe à appréhender dans notre manière de voir les choses mais cela l’est mois lorsque l’on essaye d’analyser un peu la situation. Nous avons une dynastie, celle des Kim, qui veut se maintenir en place et qui a bénéficié d’un programme nucléaire. Au début des années 90, cela était quelque chose qui paraissait extrêmement rationnel et qui est montée en puissance au fil des années, et qui a pu , à la limite, être favorisée par la volonté des Etats-Unis – par les précédents présidents américains – d’arrêter la Corée du Nord dans son projet. Les Etats-Unis ont d’abord fait tout ce qu’ils pensaient être nécessaire pour arrêter ce programme nucléaire et ensuite, sous la présidence Obama, ont laissé la famille Kim développer le nucléaire et le balistique. Nous sommes donc sur une logique qui est tout à fait rationnelle dans un monde ou un petit État qui s’est trouvé en capacité de développer un tel programme a pu le réaliser. La Corée du Nord a énormément besoin de la Chine, notamment pour sa création de richesses, et cette dépendance demeurera encore très longtemps

Et d’un autre côté, la Chine a besoin que la Corée du Nord serve de tampon entre les Etats-Unis, leurs alliés et la Chine elle-même. Une réunification de la Corée signifierait pour la Chine l’arrivée des Etats-Unis directement le long de sa frontière.

Dès lors, comment expliquer cette sur interprétation du risque ? S’agit-il d’une trop grande méconnaissance des logiques internes du régime ?

La sur-interprétation du risque est aussi quelque chose qui arrange beaucoup les Etats-Unis dans le mesure ou pendant un moment, cela a permis de justifier le maintien de la présence américaine en Corée et au Japon. Sachant que cette présence a été très discutée pendant un certain temps et sachant aussi que cette présence est financée très largement par les Coréens et les Japonais. Pour les Etats-Unis, avoir une bonne raison de rester en Corée du Sud et au Japon reste très intéressant. Et là aussi, l’administration Obama, quand elle a parlé de « pivot » vers l’Asie mais sans rien mettre en œuvre de sérieux à ce niveau-là, a une énorme responsabilité dans cette présence, dans cette volonté des Etats-Unis et dans les justifications qu’elle a pu y trouver.

En se basant sur un tel constat, quels sont les scénarios envisageables pour la suite ?
Les deux dirigeants vont discuter en tête en tête, et très largement au « feeling » avec un cadre qui reste obscur, cela va donc être très complexe. Maintenant, on peut sérieusement espérer qu’il en sorte quelque chose. Ce qui coûtera le moins cher aux Etats-Unis et qui rapportera le plus à la Corée du Nord pourrait être l’annonce de la prochaine signature d’un traité de paix. Il pourrait également s’agir de petits cadeaux strictement économiques ou des choses qui iraient un petit peu plus loin par exemple une offre faite par les Etats-Unis de lancer des satellites nord-coréens à bord de fusées américaines.

Ils seront obligés de parler de dénucléarisation. Mais Kim Jung-un et Donald Trump ne négocient pas pour la paix du monde, ce n’est pas leur objectif. Leur objectif est leur légitimité interne. Pour Kim Jung-un, cela est très important et cela passe ici par une affirmation de la puissance avec une forme de parité avec les Etats-Unis, et une amélioration de la situation économique du pays. Pour Donald Trump, il s’agit d’obtenir quelque chose sur la Corée du Nord alors qu’aucun président des États Unis n’y est parvenu depuis 1993, alors que chacun d’eux en a beaucoup parlé. Donald Trump a pour objectif de présenter un moratoire sur le nucléaire et sur le balistique qu’il aurait réussi à négocier.

En se basant sur un tel constat, quels sont les scénarios envisageables pour la suite ?

Les deux dirigeants vont discuter en tête en tête, et très largement au « feeling » avec un cadre qui reste obscur, cela va donc être très complexe. Maintenant, on peut sérieusement espérer qu’il en sorte quelque chose. Ce qui coûtera le moins cher aux Etats-Unis et qui rapportera le plus à la Corée du Nord pourrait être l’annonce de la prochaine signature d’un traité de paix. Il pourrait également s’agir de petits cadeaux strictement économiques ou des choses qui iraient un petit peu plus loin par exemple une offre faite par les Etats-Unis de lancer des satellites nord-coréens à bord de fusées américaines.

Ils seront obligés de parler de dénucléarisation. Mais Kim Jung-un et Donald Trump ne négocient pas pour la paix du monde, ce n’est pas leur objectif. Leur objectif est leur légitimité interne. Pour Kim Jung-un, cela est très important et cela passe ici par une affirmation de la puissance avec une forme de parité avec les Etats-Unis, et une amélioration de la situation économique du pays. Pour Donald Trump, il s’agit d’obtenir quelque chose sur la Corée du Nord alors qu’aucun président des États Unis n’y est parvenu depuis 1993, alors que chacun d’eux en a beaucoup parlé. Donald Trump a pour objectif de présenter un moratoire sur le nucléaire et sur le balistique qu’il aurait réussi à négocier.
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