ANALYSES

Les impacts du changement climatique sur les ressources en eau de la Chine

Tribune
8 octobre 2009
Par Fabien Dupuis, diplômé de l’IPRIS, doctorant spécialisé sur la géopolitique de l’eau
Or, la conséquence majeure du changement climatique est l’augmentation des sécheresses et des inondations(3). « L’eau est un facteur-clé du développement et le premier vecteur par lequel le changement climatique sera ressenti » a déclaré Ger Bergkamp, directeur du Conseil mondial de l’eau. Selon Mark Smith (4), « en raison des effets attendus du changement climatique sur l’eau, l’adaptation de la manière dont sont gérées les infrastructures utilisées pour stocker et drainer l’eau et fournir l’eau potable est une priorité ». La hausse de la température de la Terre fait évaporer une plus grande quantité d’eau des mers et des terres. Les sécheresses dans certaines régions du monde peuvent s’aggraver si l’accroissement de l’évaporation n’est pas compensé par un accroissement des précipitations. L’excès de vapeur d’eau dans l’atmosphère retombe sur terre sous forme de précipitations. Ces dernières peuvent entraîner des inondations. Il existe également des situations dans lesquelles les besoins en eau sont supérieurs aux ressources en eau exploitables.

La Chine représente environ 7 % des ressources en eau de la planète pour nourrir un cinquième de la population mondiale, ce qui représente 2 350 m³ par habitant, soit seulement le quart de la moyenne mondiale (5). Elles se répartissent de façon inégale entre une Chine du Nord aride pour laquelle les ressources sont de 700 m³ par habitant malgré le fleuve Jaune et les rivières Hai, Huai et Liao, et une Chine du Sud humide qui, malgré la seule présence Yangtsé, offre 3 400 m³ par habitant. Ce déséquilibre est d’autant plus fort que le nord du pays comprend les 2/5e de la population, 40 % des terres cultivées et 35 % de la production industrielle (6).

De 1978 à 2000, l’urbanisation de la population chinoise est passée de 19,4% à 31% et la consommation moyenne d’eau par citadin de 55 à 95,5 m3/an. Ces évolutions s’accompagnent d’un essor industriel qui accentue le déficit en eau. Dans le nord, le volume total du déficit est aujourd’hui estimé à 7 Md m3/an pour les usages courants, et 37 Md m3/an si l’irrigation est prise en compte. Le manque d’eau pourrait ainsi avoir un impact direct sur l’équilibre alimentaire du pays (7).

L’irrigation gravitaire pratiquée en Chine entraîne d’importantes pertes d’eau par infiltration qui peuvent être en partie réduites. Le retard technologique dans l’industrie est le second facteur de gaspillage. Ainsi, l’industrie sidérurgique chinoise consomme 23 à 56 m3 d’eau pour une tonne d’acier produite quand les Etats Unis, l’Allemagne ou le Japon ne consomment que 6 m3. Ce phénomène est favorisé par l’inadéquation entre le prix de l’eau facturé et les coûts effectifs de la production et de la distribution. L’augmentation des prix bénéficie aujourd’hui d’un soutien politique réel, et elle est inscrite dans le 10ème Plan quinquennal (2001-2005). Mais elle se heurte au mécontentement des consommateurs qui bénéficient le moins de la croissance (8).

Selon John Beddington (9), « La Chine sera durement touchée par les changements climatiques, car la température est appelée à augmenter au-dessus de la moyenne mondiale . » En effet, le manque d’eau et la sécheresse touchent fortement et durablement les populations du Nord et du Nord-Est. Selon les experts chinois, « le réchauffement climatique qui augmentera la consommation d’eau et l’évaporation fera que la situation ne s’améliorera pas » (10). « Les pires effets devraient être évités en gardant la hausse de température mondiale à moins de deux degrés Celsius. » (11)

Or, la Chine aura exploité toutes les ressources d’eau disponibles d’ici à 2030. Ces dernières années, le développement économique et social a mené à une demande accrue en eau, et couplé à l’impact du réchauffement climatique, la sécheresse et la rareté de l’eau sont de plus en plus graves. En prenant en compte les économies d’eau, d’ici à 2030, la consommation en eau de la Chine atteindra ou se rapprochera du volume total de ressources en eau exploitables (12).

Une hausse supérieure de la température à plus de deux degrés augmente le risque d’une baisse de la production alimentaire mondiale et est susceptible d’avoir un impact majeur sur les ressources en eau. Un à deux milliards de personnes supplémentaires, dont une grande partie en Chine, seraient confrontés à des pénuries d’eau. Selon Beddington, les températures pourraient augmenter, en Chine, d’environ 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels d’ici 2050, et de 4 degrés ou plus d’ici la fin du siècle (13).

En raison du réchauffement climatique, entre 1980 et 2000, l’eau était moins présente dans certaines rivières du nord de la Chine y compris le fleuve Jaune. L’approvisionnement en eau est ainsi insuffisant pour garantir un développement économique stable et durable dans les territoires traversés par le fleuve. La Chine a quatre grands problèmes : les inondations saisonnières frappent généralement le sud tandis que la sécheresse persiste surtout dans le nord ; l’érosion des sols et la pollution de l’eau ont détérioré l’écologie dans de nombreuses régions en raison de la rapide urbanisation liée au développement économique du pays (14).

400 des 669 villes chinoises de plus de 100 000 habitants ont en outre manqué d’eau en 2003. Pékin, dont la ressource par habitant est de 128 m³ par an, est particulièrement touché (15). Les scientifiques estiment que d’ici 2030, la production de céréales de la Chine pourrait diminuer de 10 %, si les pratiques et les variétés de culture ne s’adaptent pas au réchauffement climatique. 70% de la production céréalière provient de terres irriguées. Or, une sécheresse accrue, pourrait réduire considérablement les récoltes et donc faire augmenter les prix des céréales et ceux de l’ensemble de la chaîne alimentaire (16).

La seule solution durable consiste à diffuser au sein de la population du monde agricole et industriel un esprit d’économie des ressources hydrauliques. La Banque mondiale estime par exemple que près de 60 % de l’eau est encore perdue dans les systèmes d’irrigation en Chine contre 20 à 30 % seulement dans les pays développés (17).

L’objet est la mise en place d’un système de gestion des ressources plus strict. « Désormais, les autorités de gestion des ressources d’eau vont marquer trois lignes rouges pour la gestion des ressources afin d’augmenter la vigilance et la surveillance concernant l’exploitation raisonnable des ressources d’eau, leur utilisation efficace, l’ensemble de la distribution et de la protection ». Lors d’une conférence nationale sur la question de l’eau, Chen Lei, ministre des ressources aquatiques, a indiqué vouloir contrôler l’utilisation de l’eau en fixant des limites d’usage dans les différents secteurs, en surveillant le rejet des déchets polluants dans les rivières, et le gaspillage de l’eau. Dans ce cadre, des quotas d’utilisation de l’eau seront fixés pour tous les utilisateurs. La hausse du prix de l’eau est prévue pour ceux qui consomment plus d’eau qu’ils n’en ont besoin (18).

En outre, plusieurs méthodes d’économie d’eau pour l’irrigation dans l’agriculture et d’autres secteurs incluant l’utilisation de l’eau par la population seront mises en place à travers le pays pour sensibiliser la société à économiser l’eau le plus tôt possible.

Dans les zones rurales, les projets visent à fournir un accès aux sources d’eau potable à 200 millions d’habitants. Dorénavant l’approvisionnement en eau, pour améliorer l’environnement local et réhabiliter l’écosystème fragile qui résulte de l’absence d’approvisionnement en eau dans des zones humides, est également devenu une priorité.

Avec ces mesures de gestion, M.Chen Lei espère que, d’ici 2020, la consommation d’eau en Chine qui représente 1 464 dollars de la valeur du PIB sera réduite à moins de 125 mètres cubes, soit 60% de moins que le niveau précédent, en espérant que plus de 55% de l’eau d’irrigation soit utilisée efficacement pour l’arrosage des cultures.
Dans de nombreux domaines, le contrôle de la redistribution et de l’approvisionnement de l’eau depuis les grands cours d’eau des provinces voisines, a commencé à fournir de l’eau pour reconstituer des zones humides dont la surface diminue et a permis le développement des sociétés d’économie d’eau dans plus de 200 villes (19).

(1) « The world water week » est une rencontre annuelle qui se tient à Stockholm sur les questions de l’eau les plus urgentes au niveau mondiale. L’évènement, organisé par l’Institut International de l’Eau de Stockholm (SIWI), devient le lieu de rencontre des experts, pratiquants, et décideurs dans le but d’échanger et de trouver des solutions aux problèmes.
(2) Pour plus d’information : http://fr.cop15.dk/frontpage
(3) C’est pourquoi, il est crucial de sécuriser les ressources en eau. En effet, comme l’a prédit l’OCDE d’ici à 2030 et si aucune politique n’est menée, 47 % de la population mondiale habitera dans une région confrontée au stress hydrique. On parle de stress hydrique quand la demande en eau dépasse les ressources disponibles. Entrent dans cette catégorie les pays dont la disponibilité en eau par an et par habitant est inférieure à 1700m3, dans les zones arides notamment.
(4) Head of IUCN’s Water Programme and a World Water Council Governor.
(5) Le Canada et les Etats-Unis ont respectivement une disponibilité de 98 OOO et 9 400 m³ par habitant.
(6) François Danjou, La pénurie d’eau au Nord et projets pharaoniques, 24 septembre 2009, www.questionChine.net
(7) La difficile gestion des ressources en eau de Chine, Fiche de synthèse, août 2002, www.waternunc.com
(8) La difficile gestion des ressources en eau de Chine, Fiche de synthèse, août 2002, www.waternunc.com
(9) Le Professeur John Beddington, né en 1946 au Royaume-Uni est un scientifique anglais, connu et reconnu comme spécialiste de la gestion soutenable des ressources naturelles et comme « conseiller scientifique en chef » du gouvernement du Royaume-Uni (Government Chief Scientific Adviser ou GCSA) depuis le 1er janvier 2008, à la suite de Sir David A. King
(10) F Danjou, La pénurie d’eau au Nord et projets pharaoniques, 24 septembre 2009, www.questionChine.net
(11) Climate change will hit China hard, says UK scientist, Liang Qiwen, China Daily, http://www.chinadaily.com.cn/china/2009-04/02/content_7642477.htm
(12) La Chine aura épuisé ses ressources en eau d’ici 2030, www.actualites-news-environnement.com
(13) Climate change will hit China hard, says UK scientist, Liang Qiwen, China Daily, http://www.chinadaily.com.cn/china/2009-04/02/content_7642477.htm
(14) La Chine promet l’utilisation efficace de l’eau, www.french.people.com.cn/Chine/6593772.html
(15) L’eau en Chine, Mission économique, Ambassade de France en Chine, Fiche de synthèse, mars 2005, p 2
(16) La Chine aura épuisé ses ressources en eau d’ici 2030, www.actualites-news-environnement.com
(17) L’eau en Chine, Mission économique, Ambassade de France en Chine, Fiche de synthèse, mars 2005, p 1
(18) La Chine promet l’utilisation efficace de l’eau, www.french.people.com.cn/Chine/6593772.html
(19) La Chine promet l’utilisation efficace de l’eau, www.french.people.com.cn/Chine/6593772.html