ANALYSES

Chelsea/Barcelone : plus qu’un match

Tribune
6 mai 2009
Chelsea est un quartier chic de Londres. Le propriétaire en est le sulfureux Roman Abramovitch, oligarque russe, qui a inauguré la razzia sur les clubs anglais par des fortunes étrangères (Al-Fayed, le propriétaire de Fulham, était déjà établi en Angleterre lorsqu’il a acheté le club). Fort d’une richesse acquise sur la spoliation des Russes, Abramovitch a acheté le club huppé de Londres puis des joueurs à tour de bras à des tarifs inégalables, au point que l’on parlait d’un tarif général et d’un tarif Chelsea. La crise – et son divorce – ont diminué sa fortune, et Chelsea est aujourd’hui endetté à hauteur de 750 millions d’euros, dont 600 auprès d’Abramovitch.

Le Barça , le Football Club de Barcelone, est le contre-exemple de Chelsea. Il n’est pas la propriété d’un seul homme, mais de milliers d’associés qui votent pour le Président lors d’élections démocratiques très contestées, dont les débats sont retransmis à la télévision. Il faut parfois attendre plusieurs années pour en devenir socio. Dans les rues de Barcelone, nombreux sont les passants qui portent fièrement le maillot « blaugrana ». Le Barça représente également le symbole de la résistance à la dictature militaire de Franco. Lorsque les troupes de Franco rentrèrent à Barcelone, il y avait en effet quatre listes d’organisations à purger : les communistes, les anarchistes, les séparatistes et le Football Club de Barcelone. Franco a toujours privilégié le Real Madrid, bien servi par l’arbitrage pendant la dictature. Les tribunes du stade barcelonais, Nou Camp, étaient le refuge de la contestation au franquisme et au centralisme castillan ; on pouvait en effet encore y parler catalan et critiquer le régime, ce qui était interdit partout ailleurs. Bref, le Barça , c’est le symbole de la contestation populaire qui s’exprime dans les gradins, là où la police est impuissante. Aujourd’hui, c’est le club d’une ville et d’un peuple qui vit en fusion avec son équipe.

Chelsea a, comme tous les grands clubs, deux sponsors maillot (Adidas et Samsung) qui lui versent 25 millions d’euros par an. Le Barça , après avoir longtemps gardé le maillot vierge de toute inscription, joue-t-il sous les couleurs de l’UNICEF gratuitement ? Non, le Barça lui donne 1,5 million d’euros par an.

Alors, bien sûr, mercredi, ce ne sera pas les prolos du Barça contre les nantis de Chelsea. Les joueurs ne peuvent être tenus responsables des actes passés ou présent de leurs dirigeants. Mais néanmoins, il y a bien deux conceptions différentes du football, deux histoires et deux traditions qui n’ont rien a voir. Chelsea ne peut être réduit à son propriétaire oligarque mais son ombre plane. Le Barça , c’est vraiment « plus qu’un club », pour reprendre sa devise.

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