ANALYSES

La réforme constitutionnelle vénézuélienne : le référendum de la dernière chance pour Hugo Chavez ?

Tribune
9 février 2009
Et l’année 2008 fut bien pire. La crise financière initiée aux Etats-Unis se propagea au reste du monde et se transforma même en crise économique globale. Les prix du pétrole extraordinairement élevés, sur lesquels reposait la croissance vénézuélienne, s’effondrèrent. On se remémore pourtant l’euphorie de juillet 2008 où les prix avaient atteint 145$ le baril, lorsque les analystes rivalisaient d’éloquence pour expliquer qu’un pic à 200$ était envisageable à l’horizon 2010. Pourtant, aujourd’hui les prix sont revenus en dessous des 45$ alors même que le budget 2009 du gouvernement vénézuélien tablait sur une moyenne de 60$.

Hugo Chavez n’était pas au bout de ses peines : fin novembre 2008, les élections législatives et municipales ne furent que des victoires en demi-teinte. Le PSUV (Parti socialiste uni du Venezuela) remporta 17 des 22 Etats mais l’opposition gagnait les mairies de Caracas et de Maracaibo (seconde ville du pays) ainsi que les Etats-clés de Zulia et Miranda, très peuplés. Au nord du continent, les « yankees » élisaient un nouveau président quelques semaines plus tôt : Barack Obama, dont on ne sait s’il représente un espoir ou une menace pour les relations américano-vénézuéliennes futures.

Le 6 décembre 2008, Hugo Chavez fêtait pourtant dignement ses 10 ans de pouvoir pendant lesquels il avait résisté à nombre de tentatives de déstabilisation tant de l’opposition que des médias étrangers. L’idée de soumettre à référendum la réforme constitutionnelle qui avait été rejetée fin 2007 fut à nouveau avancée. Les électeurs vénézuéliens devraient donc être consultés, pour la deuxième fois sur ce sujet le 15 février 2009. Cette volonté a été réaffirmée avec force lors de l’anniversaire de son investiture le 2 février. Résumant ses dix ans de mandat par « Révolution, indépendance et socialisme », le dirigeant vénézuélien souhaite résolument rester au pouvoir jusqu’en 2019 afin de consolider les acquis de la « révolution bolivarienne ».

L’empressement d’Hugo Chavez à faire voter cette réforme est compréhensible. Avec la baisse des recettes liées au pétrole (qui représente la moitié du budget fédéral et près de 95% des exportations), la « révolution bolivarienne » risque de souffrir. Les « misiones » (programmes sociaux lancés par l’Etat afin d’assister les plus pauvres dans les domaines de la santé, de l’éducation, etc.) verront certainement leurs budgets réduits bien que le gouvernement vénézuélien affirme le contraire. Les programmes de coopération régionale avec les pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes (comme le programme Petrocaribe) devraient également voir leurs moyens diminuer afin qu’Hugo Chavez concentre ses efforts sur la politique intérieure où l’électorat populaire, sa base, semble lui échapper. Les manifestations qui se sont déroulées ce samedi 7 février contre son projet de révision constitutionnelle accentuent encore la pression même si le « oui » arrive en tête dans les sondages.

Le symbole de ce recentrage est sans conteste la décision, officialisée le lundi 5 janvier, de suspendre les livraisons de fioul domestique gratuit à destination des quartiers déshérités aux Etats-Unis. Les motifs d’inquiétude en politique intérieure sont nombreux et urgents : le climat social est mauvais, l’inflation a atteint les 30% et l’insécurité va croissante (13.000 homicides annuels dont le tiers à Caracas) tandis que le pays est touché par des pénuries alimentaires et manque cruellement d’infrastructures routières, scolaires, hospitalières et même énergétiques.

Hugo Chavez pourrait donc prendre en 2009 des mesures extrêmes face à la crise sociale, économique et politique que traverse son pays et ce dès la fin du référendum. Il pourrait refuser d’honorer la dette du pays afin de la renégocier ou encore dévaluer le bolivar (monnaie vénézuélienne). Les besoins d’investissements restent nombreux, notamment pour PDVSA (Petroleos de Venezuela, compagnie pétrolière nationale) qui souhaite renforcer ses capacités de production. Cette priorité pourrait signer l’arrêt de mort des financements de raffineries en Equateur et au Nicaragua mais aussi la fin de l’aide politique aux gouvernements proches du régime de Caracas.

Hugo Chavez n’en est pas pour autant réduit à l’impuissance et compte sur le référendum à venir pour se relancer jusqu’à la fin de son mandat, en février 2013. Sa politique étrangère, même restructurée, semble suivre la même direction comme le prouve le renvoi de l’ambassadeur israélien du pays le 6 janvier, en réaction à l’offensive terrestre menée par l’armée israélienne et les nombreux morts civils à Gaza. Certains, comme Manuel Rosales, ancien candidat de l’opposition à la présidence, redoutent des fraudes lors du scrutin à venir et une dérive ouvertement autocratique du régime chaviste cette année. Ces craintes paraissent toutefois injustifiées au regard des élections précédentes. Hugo Chavez affirme en tout cas qu’il préparera ses valises en cas de nouveau revers dimanche prochain.