ANALYSES

Au revoir Obama, bonjour Trump. Que retenir de leur première et dernière conférence ?

Interview
13 janvier 2017
Le point de vue de Marie-Cécile Naves
Donald Trump a réalisé, le 11 janvier, sa première conférence de presse. Que retenir de son intervention à dix jours de son investiture officielle ?

Cette première conférence de presse ne nous a rien appris sur la manière dont Donald Trump abordera les dossiers.

Il a orchestré une mise en scène intéressante pour les observateurs. Il reçoit chez lui, dans la Trump Tower, ce qui est une manière de dire à ses interlocuteurs que c’est à eux de s’adapter à lui, et non l’inverse. De plus, il prend place derrière le pupitre en compagnie de son avocate qui reste à proximité au cas où une question le mettrait en difficulté. Au premier plan, plusieurs piles de faux dossiers ont été placées sur son bureau, afin de donner l’impression que Donald Trump s’empare des sujets de l’agenda avec sérieux.

Lors de son intervention, Donald Trump semble sur la défensive. Ses propos sont agressifs, parfois à la limite de l’insulte. Bref, il fait du Trump. C’est lui qui mène les discussions, choisit les sujets qu’il souhaite aborder. Il critique les médias, refuse de donner la parole à un journaliste de CNN et qualifie les journalistes de cette chaîne, ainsi que les rédacteurs de Buzzfeed, de menteurs.

Pour ce qui est du contenu de son intervention, Donald Trump a évité les sujets qui fâchent, notamment les questions éthiques. On n’apprendra rien, ou pas grand-chose, des potentiels conflits d’intérêts qui le menacent alors que Donald Trump confie son entreprise à ses fils. Rien sur l’origine de ses futures rémunérations puisqu’il renonce à toucher son salaire de président. Rien non plus sur son gendre, nommé conseiller alors qu’il est encore lié au business Trump.

En ce qui concerne ses promesses de campagne, Donald Trump reste dans l’ellipse et l’incantatoire. Le futur président évoque l’Obamacare, dit vouloir rapidement le remplacer, ce qui est impossible dans les prochains mois, et ce, alors que même les Républicains les plus farouchement opposés à la réforme de santé d’Obama estiment que son démantèlement prendra plusieurs années.

Quant au mur le long de la frontière mexicaine, Donald Trump, reste vague, tout en continuant à dire que les Mexicains le rembourseront. Comment ? En guise de réponse, il se contente d’affirmer qu’ils ne payeront sans doute pas mais qu’ils rembourseront « d’une manière ou d’une autre ».

Les journalistes présents à la conférence de presse ont interrogé Donald Trump sur les soupçons, selon lesquels, la Russie détiendrait des informations compromettantes à son sujet. Donald Trump a répondu en fustigeant les services de renseignements et les médias. Ces affaires risquent-elles de peser sur le début de mandat du futur président des Etats-Unis et d’influencer ses décisions tout comme les relations de la Maison blanche avec les services de renseignements ?

Je pense qu’il faut prendre les informations compromettantes sur Donald Trump avec beaucoup de précautions. Leur véracité est encore loin d’être prouvée. Il se pourrait qu’elles soient fausses et que l’un des nombreux ennemis que compte Donald Trump ait tenté de lui nuire. Mais le problème de ces rumeurs, c’est qu’elles sont crédibles ! Elles collent tout à fait à la réputation du personnage. Quand bien même ces révélations seraient vraies, ont-elles une importance ? Pas sûr. Du moins, pas toutes. Je ne pense pas que des révélations de comportements moralement condamnables ou scabreux comme une sextape puissent venir remettre en question sa place de président. Elle le conforterait plutôt dans son personnage qu’il campe depuis des années. Sur ce sujet, il a déjà une mauvaise réputation. Par le passé, il a été accusé d’agressions sexuelles. Selon moi, les seules révélations qui l’empêcheraient éventuellement d’exercer son mandat seraient des révélations à partir desquelles Donald Trump pourrait-être poursuivi en justice.

Dans tous les cas, les critiques proférées par Donald Trump à l’encontre des services secrets, notamment le fait qu’il estime qu’il ne peut pas leur faire confiance sont de nature à inquiéter et constituent un problème de sécurité pour les Américains et leurs alliés.

La veille de la conférence de presse du futur président, c’était au futur ex-président, de faire son discours d’adieu à Chicago. Quel message Barack Obama a-t-il voulu adresser aux Américains ? Quel est son héritage ?

On s’attendait à un discours fondé sur l’unité, l’optimisme, l’espoir. Cela a été le cas. Mais Barack Obama a également surpris en exprimant des mises en garde à l’égard de Donald Trump. Dans son discours, le futur ex-président américain exhorte ses citoyens à ne pas baisser les bras et à rester mobilisés (notamment en vue des prochaines élections). Il incite les Américains à défendre les valeurs démocratiques et la lutte contre le racisme. Il demande également aux Américains de ne pas céder aux théories du complot et à la mode des fake news. Je pense que Barack Obama a été l’auteur d’un discours plus fort et engagé qu’il ne l’aurait été si son successeur provenait du camp démocrate ou si un autre candidat républicain l’avait emporté. Il craint aussi sans doute de voir son successeur remettre en question son héritage.

Barack Obama laissera l’image d’un président au style élégant constamment à la recherche du compromis. Il aura cultivé une culture de l’entente avec ses adversaires politiques, et rarement essayé d’imposer une décision par la force. Il aura privilégié les décisions bi-partisanes, même si cela n’a pas été, loin s’en faut, toujours facile. C’est avant tout un juriste, ce qui lui a d’ailleurs valu quelques critiques – Sarah Palin le surnommait ainsi le « professeur de droit ».

Sur le fond, le bilan de Barack Obama est mitigé. Bien qu’elle mérite des améliorations (sur la question du montant des primes, par exemple), on peut tout d’abord considérer sa réforme de santé, l’Obamacare, comme une réussite. Sur le plan économique, Barack Obama aura été le président de la reprise, après la crise de 2008. Une reprise marquée par une croissance à 2% et le quasi-plein-emploi (5% de chômeurs). Cette relance s’est cependant réalisée au prix d’une précarisation des emplois et d’une augmentation des inégalités. Sur ce point Barack Obama, faute de majorité notamment, a échoué à augmenter les impôts des plus aisés, abaissés sous l’ère George W. Bush, ce qui aurait éventuellement permis une meilleure redistribution des richesses. Dans son discours, Barack Obama a exprimé ses regrets sur ce sujet.

Son bilan est également mitigé en politique étrangère. Parmi ses réussites, l’accord sur le nucléaire iranien et l’ouverture des relations diplomatiques et commerciales avec Cuba. Le dossier syrien, la dégradation des relations américano-russes, ainsi que la non-résolution du conflit israélo-palestinien resteront ses échecs les plus marquants à l’international.

Enfin, la signature de l’accord sur le climat, les progrès effectués en faveur des droits de femmes et des homosexuels sont à mettre à son crédit. De manière générale, la déception de certains s’explique par le fait que les espoirs placés en Barack Obama étaient élevés.

Avec Donald Trump, c’est un style radicalement différent de faire de la politique qui s’impose, et un rapport à la démocratie qui ne manquera pas de susciter des questionnements.
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