ANALYSES

Note secrète : « Il serait surprenant que Trump n’aille pas au bout de son mandat »

Presse
12 janvier 2017
Interview de - Le Parisien
Est-il possible que le nouveau président ne termine pas son mandat, voire ne soit pas intronisé le 20 janvier prochain ?

En réalité, personne n’en sait rien. C’est la première fois qu’un président américain pâtit d’une telle absence de transparence, tant en termes d’éventuels conflits d’intérêts qu’en raison de son manque d’expérience de la vie politique. En outre, Trump ne peut pas s’empêcher d’être imprévisible, il cultive même cette imprévisibilité ! Ce comportement accroît les incertitudes, les doutes et les inquiétudes. Toutefois, sauf preuves incontestables, il serait fort surprenant que Trump n’aille pas jusqu’au bout de son mandat. Et plus encore qu’il ne soit pas intronisé. Il y a de multiples forces politiques et institutionnelles aux Etats-Unis qui veulent respecter le système électoral. Or, personne ne conteste la conformité et la légitimité du processus électoral qui a débouché sur son élection.

L’existence éventuelle d’une sex-tape ou les soupçons de liens entretenus entre Trump et la Russie ne suffiraient pas à déclencher une procédure de destitution ?

Encore une fois, tout cela n’est pas démontré. Une procédure de destitution ou « d’impeachment » est quelque chose de très sérieux qui, institutionnellement, ne peut être mené à la légère. Et seul le Congrès — la Chambre des représentants pour l’instruction, et le Sénat pour le jugement final — a le pouvoir de destituer un président des Etats-Unis. Et il ne peut le faire que dans trois cas très précis : la trahison, la corruption et des crimes et des délits graves. L’affaire de l’éventuelle sex-tape n’entre pas dans ces catégories. Les conflits d’intérêts qu’il pourrait y avoir entre les entreprises de Trump et, par exemple, des puissances étrangères ne sont pas prouvés. Et toute preuve sera très compliquée à apporter tant le groupe Trump, qui n’est pas coté en Bourse, reste opaque.

Et l’enquête diligentée par Barack Obama sur le rôle éventuel de Moscou dans le piratage des mails du Parti démocrate et son influence sur l’élection ?

Même si la preuve d’un tel piratage était apportée, cela remettrait en cause la fiabilité du processus électoral américain mais pas la légitimité institutionnelle de l’élection elle-même.

Trump est donc presque assuré d’aller au bout de son mandat ?

Il faudrait de très fortes preuves et un mouvement politique très soutenu, au sein du Congrès, dans les médias et dans l’opinion publique pour que ce mandat n’aille pas à son terme. Dans quatre ans, Trump pourrait être encore président mais sans qu’on en sache plus en 2022 qu’aujourd’hui sur la réalité des soupçons qui pèsent sur lui. En revanche, ces quatre années pourraient se révéler très compliquées à traverser, pour les Etats-Unis et pour le monde entier. Si l’on ajoute, pour l’Europe, les incertitudes du processus du Brexit pour la Grande-Bretagne, il ne restera plus que le couple franco-allemand qui puisse agir en tant que garant des valeurs du monde occidental.

Propos recueillis pas Jannick Alimi
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