ANALYSES

L’Algérie après Bouteflika

Presse
27 mai 2013
Par [Philippe Thureau-Dangin->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=thureaudangin], chercheur associé à l’IRIS

Ce lundi 27 mai, cela fait un mois que le président algérien Abdelaziz Bouteflika est en France pour se faire soigner. A Alger, tout le monde le donne pour mourant, incapable en tout cas de durer jusqu’en avril 2014, date de la prochaine présidentielle.


Presque tous les Algériens souhaitent un changement, plus d’ouverture et moins d’opacité à la tête du pays. Mais, dans le même temps, tous redoutent les formes que pourrait prendre ce changement. Les souvenirs de la guerre civile, de cette décennie du « terrorisme » qui commença en décembre 1991, sont vivaces. La France, au-delà de sa « diplomatie médicale » a tout intérêt à suivre de près ce qui va se passer : l’Algérie ne reste-telle pas Ie troisième débouché de nos exportations hors pays de l’OCDE, et le premier en Afrique ? Qui plus est, ce pays, qui détient 200 milliards de dollars de réserves de change, a de grands besoins, en matière de services publics et d’infrastructures.


Si Bouteflika venait à disparaître ou s’il était reconnu incapable d’exercer, que se passerait-il ? Différents scénarios sont envisageables. Ceux qui détiennent le pouvoir en Algérie et qui accaparent une bonne part de la rente pétrolière ne sont pas tous unis. Il y a les vieux généraux à la retraite, anciens héros de la guerre d’indépendance, il y a les responsables des services de renseignements (la police politique), qui ont semble-t-il verrouillé récemment la Sonatrach, l’entreprise publique d’hydrocarbures, et qui veulent que rien ne change. Il y a encore de jeunes officiers et certains entrepreneurs qui leur sont proches, qui seraient favorables à une ouverture progressive. On connaît déjà les principaux candidats : Notamment Ali Benflis, ancien Premier ministre et rival de Bouteflika en 2004, qui aurait des soutiens au sein du PLM, le parti au pouvoir et Ahmed Benbitour, lui aussi ancien Premier ministre de Bouteflika, qui porte les espoirs des réformistes.


Une classe moyenne éduquée.



Premier scénario : les clans au pouvoir s’accordent sur un nom et le système de cleptocratie perdure. Deuxième hypothèse : nombre d’Algériens, aiguillonnés par les « révolutions arabes », se retrouvent dans la rue pour contester cette élection truquée. Jusqu’à présent, le pouvoir a lâché quelques cadeaux (par exemple sur le prix des céréales) pour calmer une population qui voit s’enrichir une petite minorité, il n’en reste pas moins que le chômage touche plus de 15% de la population active (taux officiel : 9,3%) et en particulier les moins de 25 ans. A l’instar de la Tunisie proche, l’Algérie a désormais une classe moyenne éduquée, où les jeunes sont nombreux qui pourraient se mobiliser.


Enfin, troisième scénario, les luttes au sein des clans continuent. Et, face aux dangers d’une révolution possible, de jeunes officiers prennent le pouvoir – au nom des idéaux nationalistes de [‘indépendance. Un peu comme Nasser l’avait réussi en Egypte ou comme Chavez l’avait tenté au Venezuela.