ANALYSES

Le Soudan de tous les dangers : du conflit du Darfour au conflit du Sud Soudan ?

Tribune
18 octobre 2010
Les dernières élections présidentielles se sont tenues le 11 avril 2010 avec boycott des principaux candidats d’opposition, notamment Yasser Amam originaire du Sud. Elles étaient les premières élections libres depuis 1986 et faisaient suite à l’accord du 13 décembre entre le Congrès national (NCP), parti au pouvoir, et le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS). Ces deux forces sont dominantes au sein du gouvernement actuel.

Deux référendums sont programmés pour le 9 janvier 2011 : celui du Sud et celui de la région d’Abyei, à la lisière du Nord et du Sud. Officiellement Khartoum a déclaré accepter les résultats d’un référendum juste. De nombreux médiateurs et organisations régionales et internationales sont présents pour assurer un contexte acceptable et atténuer les tensions. En octobre 2010, c’était le référendum d’Abyei qui était la plus grande source de conflit entre le NPC et le SPLM. Le référendum de janvier 2011 induit des risques de séparatisme pouvant conduire à des effets de contagion dans les pays où se trouvent des divisions Nord/Sud importants (Tchad, Nigeria…). Idriss Deby comme Khadafi ont ainsi parlé de maladie contagieuse de la partition.

Les contentieux entre le Nord et le Sud Soudan sont très nombreux. Les plus importants sont le partage des ressources et de la dette, la citoyenneté des sudistes vivant au Nord-Soudan et la définition des listes électorales. Le Nord, soutenu par la Ligue arabe, la Chine et la Russie, peut-il accepter cette indépendance alors que les richesses pétrolières se trouvent au Sud ? Il y a toujours eu en effet une volonté du Nord d’affaiblir politiquement le Sud de manière à contrôler ses ressources naturelles vitales pour son développement et la survie politique du régime. Et l’accord de répartition de la manne pétrolière de 2005 n’a pas été respecté.
Le Sud, soutenu par les puissances occidentales, notamment les Etats-Unis, peut-il gérer son indépendance alors qu’il est une des régions les plus pauvres de la planète et que les forces politiques et militaires sont divisées ? Le tribalisme, attisé par le Nord, pourrait en effet conduire à une guerre civile.
Le Nord acceptera-t-il de valider des élections alors que de nombreux problèmes et litiges existent pour recenser les électeurs ? Les Etats-Unis sont-ils prêts à lâcher complètement Omar El-Béchir alors que celui-ci est, au-delà de sa condamnation de la Cour Pénale Internationale (CPI), aussi un facteur de relative stabilité et un rempart contre le radicalisme islamiste et Al-Qaïda ? Les pays voisins peuvent-ils accepter une sécession qui serait un précédent, se heurtant au principe d’intangibilité des frontières avec des risques de contagion ?

Plusieurs scenarii sont ainsi envisageables : non tenue du référendum – officiellement pour des raisons de constitutions des listes électorales et contexte défectueux- ou sa non-validité pour défection trop forte des électeurs ; une indépendance avec des accords politiques et économiques entre le Nord et le Sud quant au partage de la rente pétrolière et des aides du Nord au Sud ; une indépendance conduisant à une reprise des conflits entre le Nord et le Sud ou à une guerre civile au Sud.

La solution la plus raisonnable serait celle d’une autonomie du Sud avec maintien de certaines fonctions régaliennes telle l’aide et la coopération du Nord et accord de partage respecté et contrôlé des revenus pétroliers entre le Nord et le Sud. Mais il est rare que la raison l’emporte face à la violence de l’histoire.