ANALYSES

Hong Kong noyée dans la rivières des Perles, 20 ans après la rétrocession

Presse
29 juin 2017
En 1997, mon livre Après Hong-Kong soulignait les trois futurs possibles de ce qui devenait alors une « région administrative spéciale ». Dans le premier, Hong Kong devenait un centre d’affaires global, et continuait à abriter de nombreuses multinationales. Dans le deuxième, la ville se transformait en une plateforme régionale vers l’Asie. Dans le troisième, elle se transformait en une ville plus chinoise sur les bords du Delta de la rivière des Perles. Malgré les tentatives de maintenir Hong Kong comme un hub international, c’est ce dernier scénario qui paraît finalement se traduire dans les faits.

La région du Delta de la rivière des Perles était auparavant l’arrière-cour de Hong Kong dédiée à la sous-traitance et à la production. Récemment, le Delta a officiellement été rebaptisé la « région de la grande baie de Guangdong-Hong Kong-Macao » (Guangdong-Hong Kong-Macau Greater Bay Area). La région rassemble 60 millions d’habitants répartis autour de Canton, capitale provinciale du Guangdong, les zones économiques spéciales de Shenzhen, Zhuhai, Shantou et quelques autres villes, toutes reliées par des ponts, des routes, des voies ferrées, maritimes et aériennes.

« Connecter » est sans doute l’un des mots-clefs du discours chinois, mais toutes ces infrastructures construites depuis quelques années dans les villes voisines, n’ont fait que diluer Hong Kong dans une vaste zone économique dont elle n’est plus le centre. En effet, Shenzhen compte désormais autant de sièges d’entreprises du classement « Fortune 500 » que l’ancienne colonie britannique. Même les tycoons hongkongais n’ont plus la même relation spéciale qu’autrefois avec le pouvoir central à Pékin depuis que les grands chefs d’entreprise du continent rivalisent d’influence dans la capitale. « Shanghai continuera à être socialiste et Hong Kong restera capitaliste », prétendait en 1996 Lu Ping, le chef du bureau des affaires de Hong Kong au sein du gouvernement chinois. Mais qui pourrait croire que c’est encore le cas, avec Shanghai en passe de devenir la plus grande place financière d’Asie ?

Peut-etre la « région de la Baie », comme l’affirment les pro-Pékin, a-t-elle plusieurs centres, avec Hong Kong comme noyau principal. Mais il est difficile pour quiconque ayant visité Shenzhen récemment de ne pas voir celle-ci comme le noyau de la zone. Le calme village de pécheurs des années 1970 est devenu l’une des mégapoles chinoises et un pôle de hautes technologies. En trente ans, la ville est passée de 50 000 à 15 millions d’habitants et héberge à présent des géants tels que Tencent Holdings, ZTE, Huawei Technologies ou China Merchants Group.

Il n’est pas anodin que ces conglomérats aient investi cette zone économique pilote choisie par Deng Xiaoping en 1979, plutôt que Hong Kong pour y installer leur quartier général. Dans l’enquête intitulée « Chinese Cities of Opportunity 2017 » (conduite par PwC et la China Development Research Fondation), Canton et Shenzhen s’adjugent les premières places du classement général et en particulier dans 8 des 10 catégories de l’étude, dont la facilité à faire des affaires, le capital intellectuel et l’innovation, la technologie et le poids économique. Hong Kong ne faisait pas partie de l’étude.

L’ambition de Pékin est, et a toujours été, de diluer l’importance de Hong Kong plutôt que d’en préserver les traits spécifiques. L’émergence de nouvelles zones franches est l’expression de son désir d’attirer des investissements directs étrangers (IDE) sur tout le continent, et pas seulement dans le Sud. Shanghai, bien sûr, a été la première municipalité à obtenir le droit d’ouvrir sa propre zone franche en 2013, une grosse déception pour Hong Kong. Aujourd’hui, la Chine en compte pas moins de 11.

HORS-PISTE

Pendant que la Chine accélère le développement des « Nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative), Hong Kong lutte pour rester dans le jeu. La ville a d’ailleurs offert de construire et accueillir la direction générale du trésor de la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures. Elle a accueilli plusieurs forums sur les « Nouvelle route de la soie » dont un en 2016. Mais la cité reste en marge et centrée sur le secteur des services plutôt que sur les infrastructures.

Certes, le port de Hong Kong demeure l’un des plus fréquentés au monde. Mais il est classé 5ème dans le volume de conteneurs alors que Shanghai et Shenzhen pointent respectivement au premier et au troisième rang, grâce à Hutchison Whampoa, le conglomérat de Li Ka-shing. Encore une fois, le continent a dépassé l’ancienne colonie britannique. En outre, les principales institutions financières en charge du financement et du co-finacement des « Nouvelles Routes de la Soie » sont toutes basées à Pékin : la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, le Fonds pour les Routes de la Soie, la China Development Bank, la China EximBank.

Il ne fait guère de doute que l’Europe avec ses 500 millions de consommateurs constituent la destination finale des « Nouvelles Routes de la Soie ». Mais pourquoi la Chine aurait-elle besoin de Hong Kong pour interagir avec L’Europe ? La Commission Européenne, autant que les Etats-membres, parlent fréquemment à Pékin. Après tout, l’UE et la Chine sont des partenaires commerciaux importants. Aujourd’hui, la Chine a besoin d’améliorer ses relations avec l’Union Européenne en lui ouvrant son marché pour ses investissements, pour tenter d’obtenir plus de soutien à son nouveau projet. Les négociations pour un traité bilatéral Chine-UE sur l’investissement sont en cours.

Hong Kong sera-t-elle alors encore un acteur mondial dans les 30 prochaines années conformément à son statut semi-autonome garanti par la déclaration conjointe sino-britannique ? Tout dépendra de la volonté de Pékin de lui laisser de un espace intellectuel. Difficile de savoir si Hong Kong va être autorisée ou non à jouer un rôle dans l’ambitieuse stratégie géoéconomique chinoise. La « Révolution des parapluies » en 2014 a alimenté la méfiance de Pékin à l’égard de cité, perçue comme une mauvaise influence sur le continent. Beaucoup dépendra aussi de la nouvelle Chef de l’Exécutif hongkongais, Carrie Lam, et de son administration. Ils devront concevoir une voie étroite pour Hong Kong à côté, ou tout près, des « Nouvelles Routes de la Soie ». La seule chance pour Hong Kong de conserver sa dimension internationale est de continuer à investir dans les talents ou l’éducation, et de servir de fédérateur d’hommes et d’idées du monde entier afin d’accroître sa propre identité cosmopolite et talentueuse. Pour que cette particularité perdure, le principe « un pays, deux systèmes » n’a jamais été aussi essentiel.
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