ANALYSES

Ce que cache la rhétorique enfantine du président Donald Trump

Presse
30 mai 2017
Quelles sont les principales caractéristiques de la rhétorique du président américain ?

La communication de Trump est à l’image de sa vision du monde, binaire. Le vrai s’oppose au faux (lui-même ayant sa propre interprétation de la vérité), les bons aux méchants, les amis aux ennemis, les gagnants aux perdants. Cette vision très simple n’exclut pas le fait que la rhétorique du président américain soit contrôlée et partie intégrante d’une stratégie de communication populiste. Certains le qualifient d' » enfant  » pour signifier son immaturité dans le job ; en tout cas, le milliardaire s’est plaint régulièrement depuis son élection de la difficulté du métier de président.

De plus, Trump a horreur de la complexité, dès que ça devient un jeu à plusieurs bandes, il donne l’impression de décrocher. Est-ce que la technicité de certains dossiers l’ennuie? Est-ce qu’il ne les comprend pas? Sans doute un peu de tout cela. Il a, de plus, gardé son fonctionnement d’homme d’affaires. Dans son monde ce sont les  » winners  » et les  » losers « , on fait des  » deals « . Mais ce raisonnement ne peut pas s’appliquer à la politique, notamment la politique étrangère.

Par ailleurs, la communication de Trump est incantatoire. Par les mots et souvent seulement par eux, le milliardaire pense agir sur le réel. Cette stratégie a très bien fonctionné en campagne, cependant elle ne peut pas avoir le même succès sur le long terme. Lors de sa visite récente en Israël, Trump a affirmé vouloir conclure un  » ultimate deal  » (accord ultime) pour résoudre le conflit israélo-palestinien, mais sans proposer de mesures concrètes pour autant. C’est un exemple typique.

Enfin, Trump a adopté une rhétorique qu’on pourrait qualifier d’énergique, voire d’insultante. Ses discours et ses tweets sont ponctués de nombreux points d’exclamation, d’anaphores, de majuscules, comme s’il s’exprimait à l’oral et qu’il criait. On retrouve une communication similaire chez Berlusconi, Sarkozy et Marine Le Pen. Le champ lexical est restreint et demeure toujours le même tandis que sont matraquées des phrases présentées comme des vérités, mais qu’on ne peut démontrer. Chez Trump il y a également une posture viriliste, par opposition à un Obama qualifié de  » faible  » par les Républicains pendants 8 ans.

Trump cherche-t-il à émouvoir ou à convaincre ?

A persuader par l’émotion, pas à convaincre. Tout le ressort des  » fake news  » (informations mystifiées ou imitées) qu’il utilise, s’appuie sur le ressenti des choses, ce qui n’est pas rationnel, fait appel à des croyances personnelles, à l’émotion, à l’intuition aussi, ce qu’on peut appeler le  » bon sens populaire  » auquel il faudrait autant, voire davantage faire confiance qu’à l’information présentée dans la grande presse nationale.

A l’issue des trois débats contre Hillary Clinton, tous les observateurs ont dit que celle-ci avait gagné car elle prenait en compte la complexité du réel et la technicité des dossiers, alors que lui revenait toujours aux mêmes choses – la Chine, la grandeur perdue de l’Amérique, la désindustrialisation, le politiquement correct, etc. Mais, convaincre ne suffit pas aujourd’hui, il y a d’autres choses qui entrent en ligne de compte, ce qui fait que le  » fact checking  » (vérification des informations) ne suffit plus. C’est l’un des grands enseignements de cette campagne.

Au sein de l’électorat de Trump, certains se sont rendu compte que leur candidat avançait de fausses informations et que c’était du spectacle, du théâtre. Mais ils ne lui en tiennent pas rigueur. Les gens qui ont voté pour lui le soutiennent et ne s’attardent pas sur ses mensonges, l’exagération dont il fait preuve et ses propos outranciers, au mieux, parce qu’ils voient d’autres qualités chez lui, ou adhèrent à ses propos sexistes, racistes et démagogiques, au pire.

Sa rhétorique est-elle susceptible de causer des problèmes diplomatiques et/ou politiques dans le futur ?

Trump simplifie sa rhétorique comme tout populiste afin de se positionner comme proche du peuple, comme pouvant se mettre à son niveau, développant par là sa stratégie anti-establishment. Cependant, cette rhétorique pose déjà des problèmes sur le plan international.

A l’issue du G7, Merkel a appelé l’Europe à se prendre en mains en affirmant qu’il serait désormais de plus en plus difficile de compter sur les Etats-Unis. Le discours caricatural et égoïste du milliardaire sur des sujets tels que le terrorisme, le climat, le protectionnisme ou l’immigration a fragilisé un peu plus la crédibilité de Trump à l’international.

Au niveau national, le parti républicain – sous l’étiquette duquel il est devenu président – se montre de plus en plus circonspect quant à sa personnalité jusqu’au-boutiste et sa méconnaissance des dossiers. Trump inquiète sur plusieurs thèmes dont la santé, la fiscalité, la dette fédérale, entre autres.

Dans son pays, Trump est très impopulaire, ce n’est donc pas uniquement grâce à sa communication qu’il a gagné. Le phénomène Trump n’est qu’un exemple des tentations populistes qui existent dans de nombreux pays occidentaux.
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