ANALYSES

Argentine : « Il existe une vraie dynamique autour des mouvements sociaux »

Presse
6 avril 2017
Quelles sont les principales mesures du président argentin, Mauricio Macrl, depuis sa prise de fonction ?

Mauricio Macri a immédiatement décidé de renouer avec l’orthodoxie monétariste et libérale. Parmi les mesures emblématiques, il faut souligner le retour sur les marchés financiers de l’Argentine, qui a été possible après avoir payé les fonds vautours. Cette décision a conduit le pays à s’endetter de nouveau en empruntant 16,5 milliards de dollars (15,4 milliards d’euros) et à se remettre dans les mains des prédateurs financiers. L’autre mesure phare a été de dévaluer la monnaie aux alentours de25 % déclenchant une forte inflation qui a engendré une chute du pouvoir d’achat de la population. C’est dans ce contexte de retour au libéralisme que le président argentin a annoncé le gel des salaires. Une décision qui a provoqué d’immenses mobilisations.
Rien qu’au mois de mars, il y a eu six : grandes manifestations. Macri a réussi à dresser toutes les centrales syndicales contre lui. Un véritable tour de force. En l’espace de quinze mois, sa politique a provoqué une hausse de la pauvreté (35 % de la population) et une augmentation considérable du chômage. Près de 200.000 personnes ont perdu leur emploi du fait de ces mesures.

Dans un tel contexte, Mauricio Macri reste-t-il populaire ?

Non II n’a jamais été aussi impopulaire, avec 56 % des Argentins qui ont une image négative du président. Ils étaient 60 % à l’approuver au début de son mandat. Les résistances se multiplient. Seuls le patronat, les libéraux, les milieux financiers, les grands propriétaires terriens lui restent favorables. Macri est désormais en difficulté à quelques mois des législatives d’octobre, avec une large défection des classes populaires et moyennes. Ces élections de mi-mandat s’annoncent difficiles.

L’implication de Macri dans de nombreux scandales ternit aussi son image de Monsieur anticorruption ?

Dès les premières semaines, Macri a été impliqué dans le scandale des Panama Papers. La collusion entre les intérêts de sa famille et l’État existe depuis un certain nombre d’années. Seulement, ces conflits d’intérêts ressortent aujourd’hui de par son statut de chef d’État. Des enquêtes se multiplient autour de son père (un grand magnat de l’industrie automobile, représentant de Fiat en Argentine -NDLR), qui aurait bénéficié de l’abandon de certaines dettes passées auprès de l’État.

Comment expliquer une telle résistance sociale depuis quinze mois ?

Il existe une vraie dynamique autour des mouvements sociaux. Leur ampleur surprend d’ailleurs les organisateurs eux-mêmes. Ces mobilisations ont lieu dans tout le pays. Cela révèle aussi que le retour de la droite au pouvoir en Amérique latine n’a pas été plébiscite. En Argentine, ce retour est le résultat d’une forme de lassitude du kirchnerisme. Mais il n’y a pas eu d’adhésion autour du projet politique de Macri et il en paye aujourd’hui les conséquences. Et comme d’autres dirigeants sud-américains, Macri comptait aussi sur une victoire d’Hillary Clinton aux États-Unis pour bénéficier d’un soutien financier avec les traités de libre-échange. La victoire de Trump a été vécue comme une météorite par ces gouvernements de droite qui n’ont plus leur alliance naturelle avec les États-Unis. Cela remet en cause toute leur perspective économique en subissant des mesures de rétorsions commerciales.

Ces mobilisations peuvent-elles déboucher sur une dynamique pour la gauche en Argentine ?

C’est tout l’enjeu. Si le parti au pouvoir connaît d’importantes difficultés, il n’y a pas de traduction politique de ces mouvements pour les forces de gauche. Tout dépendra de l’attitude des divers courants péronistes. Vont-ils réussir à s’unir pour reconduire Cristina Kirchner ou miser sur le centriste Sergio Massa ?
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