ANALYSES

L’unification du djihadisme sahelien

Presse
6 mars 2017
Les djihadistes du Sahel continuent de défier les pays de la région. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux en ce début de mois de mars, les leaders des groupes djihadistes « Al-Qaida au Maghreb islamique » (AQMI), « Al-Mourabitoun » et « Ansar Eddine dans le nord du Mali » annoncent la naissance d’une sorte de conglomérat tendant à unifier ces organisations.

L’absence de l’organisation Etat islamique (EI) confirme la logique concurrentielle qui anime les rapports entre cette dernière et les groupes affiliés à Al-Qaida.

La création du « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » formalise une stratégie de mutualisation des moyens et de rapprochement des objectifs stratégiques déjà mise en œuvre dans des attaques coordonnées sur le territoire du Mali, notamment contre les forces françaises présentes dans la région dans le cadre de l’opération « Serval » au Mali (renommée depuis en opération « Barkhane » pour souligner son élargissement à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel.

Cette stratégie qui allie régionalisation et globalisation (la nouvelle organisation a prêté allégeance à Al-Qaida et aux talibans afghans) dépasse le simple territoire malien : c’est la déstabilisation des pays de la région.

Au-delà du cas libyen, où les forces de l’Etat islamique sont déjà présentes (même si elles ont perdu l’essentiel de leurs bastions), l’Algérie et la Tunisie sont particulièrement concernées par une nouvelle donne. Les deux pays ont subi les attaques de ces organisations djihadistes. Les connexions avec des filières émanant des frontières communes avec l’Algérie mais aussi la Libye, rendent la lutte contre les filières djihadistes d’autant plus difficiles pour les autorités nationales.

C’est pourquoi une coopération sécuritaire s’est mise en place entre les différents pays, y compris entre le Maroc et l’Algérie, pour une fois d’accord devant l’urgence du moment. Chaque Etat coopère pour suivre les djihadistes et démanteler leurs cellules. Mais il faut aller plus loin en la matière.

Au Sahel, l’imbrication des problématiques est prégnante : la déstabilisation de la région est liée aussi à l’insécurité alimentaire, elle-même aggravée par la croissance démographique et le réchauffement climatique. D’où l’intérêt de la stratégie intégrée des Nations unies pour le Sahel appelé à être mené à bien le plus vite possible. En outre, les initiatives régionales doivent être promues.

Le G5 Sahel – réunissant les Etats du Sahel directement menacés par les organisations jihadistes de la région (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et de celles de la Commission du bassin du lac Tchad (Niger, Nigeria, Tchad, Cameroun et le Bénin) ressuscitée en 2014 pour combattre Boko Haram – semble aujourd’hui le cadre le plus adapté pour relever les défis.

Au-delà, les actions de la CDAO et de l’Union Africaine sont aussi à encourager comme celles de l’Union Européenne qui, comme vous le savez, est très engagée au Sahel.

Au-delà de la réponse sécuritaire, certes indispensable, les Etats doivent investir dans le soft power à travers un contre-discours au djihadisme, avec le soutien notamment d’autorités religieuses, y compris salafistes. Du reste, lors du Forum de Dakar qui s’est tenu en décembre 2016, le mot « Prévention » a été au cœur des discussions. Même les militaires de la région en conviennent.
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