ANALYSES

Le fusible Michael Flynn

Tribune
15 février 2017
Le (très controversé) conseiller à la Sécurité nationale de la Maison blanche, Michael Flynn, a été contraint à la démission, le 13 février, après qu’il a reconnu avoir fourni « par inadvertance » des informations incomplètes au vice-président, Mike Pence, au sujet de ses échanges téléphoniques avec Sergey Kislyak, ambassadeur de Russie à Washington, fin décembre dernier (avant sa nomination et la prise de pouvoir du duo Trump/Pence).

Flynn sera resté moins d’un mois à ce poste hautement stratégique, ce qui constitue un record absolu. Son départ n’est qu’un nouvel épisode des errements de la politique étrangère de Washington et une preuve supplémentaire de la forte tension existante entre, d’un côté, les services secrets et l’administration qui œuvrent à la continuité du pouvoir et, de l’autre, les conseillers de Trump qui préfèrent les coups d’éclat et promeuvent une rupture radicale avec la politique – interne et internationale – de Barack Obama. Ainsi, Flynn n’est qu’un fusible. Il suscitait de fortes réticences chez les services de renseignements qui craignaient que Moscou ne lui fasse du chantage après ses échanges téléphoniques avec l’ambassadeur russe, auquel il avait implicitement promis une politique conciliante vis-à-vis de Moscou. Flynn part parce qu’il n’a plus la confiance de Trump et parce que Pence et Bannon ont demandé sa tête.

Flynn, fidèle de la première heure du candidat Trump, est un ancien général 3 étoiles qui s’est illustré autant par son rôle dans la guerre contre Al-Qaïda, en Irak et en Afghanistan, que pour ses prises de positions très dures envers l’islam. Il a également affirmé à de nombreuses reprises son souhait d’un rapprochement entre Washington et Moscou. Pour le président Trump, ce départ est une très mauvaise nouvelle. Il est en effet la preuve que, contrairement à ce qu’il affirme à cor et à cri, il ne s’entoure pas forcément des « meilleurs ». Il s’est trompé en faisant le choix de Flynn. Ce dernier avait été poussé vers une retraite anticipée en 2014, alors qu’il dirigeait le département du Renseignement de l’armée américaine, pour son mauvais management et ses propos racistes.

Plusieurs congressistes démocrates (et républicains) réclament une enquête afin d’établir la nature exacte des liens que Flynn entretenait avec le Kremlin mais également le degré de connaissance de Trump, à la fois de cette situation et du danger que son conseiller faisait peser sur la sécurité des États-Unis. Le 14 février, la Maison blanche a, de manière stupéfiante, affirmé que le président était informé depuis plusieurs semaines des conversations entre Flynn et l’ambassadeur russe.

Cette démission intervient alors que les positions de Donald Trump en matière de politique étrangère ne cessent de changer. Il a ainsi récemment rappelé que les États-Unis ne reconnaissaient qu’une seule Chine (exit donc les « provocations » sur Taïwan), que la poursuite de la colonisation israélienne des territoires palestiniens étaient une mauvaise chose (on verra comment Netanyahou et lui échangent à ce sujet cette semaine) et a rappelé, à l’occasion de la visite officielle du premier ministre japonais, la force des liens entre Tokyo et Washington (alors qu’il avait dénoncé pendant la campagne la politique commerciale agressive du Japon). Il n’a que très peu réagi au tir de missile effectué par la Corée du Nord, se contentant, comme à son habitude, de promettre d’y répondre « très fortement » et assurant le Japon – mais pas la Corée du Sud – de son soutien.

Le départ de Flynn suffira-t-il à apaiser les esprits, à calmer les inquiétudes autour de « l’agenda géopolitique » de Trump ? Rien n’est moins sûr. C’est même sans doute le contraire.

Marie-Cécile Naves est l’auteure de « Trump, l’onde de choc populiste » (FYP, août 2016).
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