ANALYSES

Les affaires courantes, et le reste… Les deux scénarios très noirs qui pèsent sur la fin du quinquennat Hollande

Presse
7 décembre 2016
Interview de Rémi Bourgeot - Atlantico
Alors que les cinq prochains mois du gouvernement seront forcément marqués par les échéances électorales à venir en 2017, la menace terroriste et le risque de crise financière au sein de la zone euro pourraient bien plomber la fin du quinquennat de François Hollande.

Par ailleurs, la démission de Matteo Renzi en Italie suite à son échec lors du référendum de ce dimanche a remis sous le feu des projecteurs le risque de crise financière au sein de la zone euro. Une telle crise est-elle possible selon vous ? Comment pourrait-elle se déclencher ?

Avec 360 mds d’euros de prêts douteux à son actif, le secteur bancaire italien inquiète à juste titre. En même temps, un certain nombre de banques d’autres pays, comme la Deutsche Bank, sont aussi en grande difficulté et seraient affectées par une crise systémique en Italie.

Alors que les créances des banques italiennes ne peuvent que se détériorer davantage tant que l’économie ne rebondit pas réellement, l’Italie est confrontée à la nécessité de recapitaliser les institutions au bord du gouffre, comme Monte dei Paschi di Sienna (à hauteur désirée de 5 mds d’euros pour l’heure). Les nouvelles règles européennes de l’union bancaire obligent à mettre à contribution les créanciers de la banque (souvent de simples épargnants auprès de qui on a fait passer de la dette bancaire pour des dépôts) avant toute intervention publique. Un compromis entre l’Italie et l’UE consistait à attirer des investisseurs extérieurs, notamment le Qatar, et tenter de limiter les dégâts pour les créanciers.

Sans gouvernement présent dans la durée, un tel projet vole en éclat aux yeux de la plupart des actionnaires potentiels. La perspective de recapitalisations en douceur s’évapore pour MPS et s’éloigne pour l’ensemble des banques italiennes. On en revient à l’alternative d’une injection d’argent public et d’une application stricte des règles de l’union bancaire. Dans le contexte de faiblesse actuelle, la généralisation de ce mécanisme entraînerait une vague de pertes financières et de tension qui se propagerait à travers le secteur bancaire européen et, union bancaire ou pas, aux Etats. L’équation politique étant particulièrement complexe, les marchés patientent pour l’heure tout en espérant que Mario Draghi les maintiendra sous perfusion, avec l’accord de Berlin.

Quelles seraient les conséquences d’une telle crise pour la France ?

La France ne serait naturellement pas épargnée. Elle est largement exposée économiquement et financièrement à l’Italie. De plus, bien que la structure du secteur bancaire français, très concentré, diffère de celle du secteur bancaire italien, le problème de la rentabilité se pose comme partout en Europe avec l’héritage de la crise, l’absence de rebond économique véritable et les effets pervers des taux négatifs. Une crise financière viendrait défaire le processus de normalisation progressive des volumes de crédit et affecterait la timide amélioration économique qui a été encouragée par la dépréciation de l’euro.

Face à un emballement de la crise bancaire italienne, on évoquerait à nouveau les fonds européens. Néanmoins, on se retrouverait dans une situation avec des gouvernements fantômes en Italie et en France face à un gouvernement allemand en pleine campagne électorale rigoriste. Un cocktail pour le moins toxique qui montrerait, de façon encore plus crue que dans le passé, l’absence de gestion de la zone. La BCE aura beau tenter d’éteindre une nouvelle fois l’incendie sous un déluge de liquidités, les failles du dispositif politique en seront d’autant plus visibles, mettant de nouveau en doute la viabilité de la monnaie unique.
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