ANALYSES

Sale temps pour l’agriculture française

Presse
24 octobre 2016
La récolte de blé a été catastrophique en raison des aléas météorologiques. La France, en quête d’un repositionnement intelligent sur la scène internationale, doit intégrer davantage les défis climatiques pour mieux compter sur son agriculture.

Hasard ou coïncidence, l’enchaînement des faits peut surprendre. Tandis qu’elle parvenait, en décembre 2015, à rassembler la communauté internationale sur l’importance d’un accord majeur sur le climat à l’occasion de la COP21 de Paris, la France s’apprêtait à connaître une annus horribilis sur le plan météorologique et agricole. Cette dynamique conjoncturelle nécessite un rappel, un état des lieux et un avertissement.

Principale victime en cas de catastrophes naturelles, l’agriculture reste totalement dépendante du temps qu’il fait. Ce rappel mérite d’être fait pour insister – encore et toujours – sur la spécificité de ce secteur indispensable puisqu’il conditionne la vie humaine. Si les agriculteurs travaillent à réduire leur empreinte environnementale, ils subissent lourdement les aléas météorologiques.

Toutefois, ils apportent aussi des solutions face au défi des changements climatiques. Les grandes cultures illustrent parfaitement cette situation. Les surfaces couvertes en céréales – 17 % de la France métropolitaine – présentent la caractéristique unique, avec les forêts, d’émettre mais aussi de capter du CO2 sous l’effet de la photosynthèse. Véritables pompes à carbone, les céréales sont des plantes climato-actives, en plus d’être décisives pour l’alimentation des populations.

Chiffres d’affaires en chute libre

Quelques données pour bien comprendre la problématique de l’année 2016. Celle-ci s’est caractérisée par un printemps particulièrement pluvieux, avec des inondations dramatiques dans plusieurs régions du pays, puis par un été sec, avec des températures anormalement élevées en septembre. Climatiquement, cette année s’avère très défavorable à l’agriculture française, déjà mise à l’épreuve par une série de difficultés économiques et sociales. L’excès puis la faiblesse de la pluviométrie ont affecté les céréales. Le blé, produit-phare de l’économie nationale, affiche un niveau historiquement bas, jamais vu depuis trois décennies. Avec 28 millions de tonnes, la France présente une moisson en blé tendre de 30 % inférieure à la moyenne des cinq dernières années.

La majorité des agriculteurs voient leurs chiffres d’affaire s’écrouler, compte tenu en outre d’une déprime des prix, liée essentiellement à des bilans céréaliers record dans le reste du monde. Des volumes amoindris et des qualités affaiblies : la France exportera beaucoup moins de grains sur la campagne 2016-2017, notamment en direction des pays du Sud de la Méditerranée qui achètent tendanciellement 20 % de la production française. Il s’agit là d’un coup dur pour la balance commerciale et d’un test pour la solidité des relations céréalières entre l’Hexagone et l’Afrique du Nord.

En attendant 2017

Enfin, un avertissement prospectif : le paramètre climatique est fondamental pour la sécurité alimentaire mondiale, qui est l’un des déterminants de la stabilité et de la paix. À cette vérité planétaire, qui résonne significativement en Afrique – thématique au coeur de la prochaine COP22 au Maroc – la France doit formuler une réponse. Ses avantages géographiques, logistiques et humains lui confèrent un statut de grand pays agricole et de grenier à blé. Comme chaque attribut de puissance, de tels atouts nécessitent d’être territorialement entretenus, politiquement valorisés et stratégiquement ajustés aux évolutions globales.
La France, en quête d’un repositionnement intelligent sur la scène internationale, où son rôle serait cohérent avec ses forces intérieures et les besoins extérieurs, doit pouvoir s’appuyer sur son agriculture et compter sur la valeur de ses céréales en intégrant davantage les défis climatiques. Nombreux seront en 2017 les observateurs internationaux et les pays étrangers à scruter les résultats en France : si l’identité du locataire de l’Élysée sera attendue, nul doute que la moisson céréalière fera l’objet d’une vive attention. Il importe donc de mobiliser tous les acteurs, publics et privés, afin de continuer à développer la performance céréalière.
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