ANALYSES

Les paris sportifs : « Un fléau plus important que le dopage »

Presse
27 septembre 2016
Pour Pascal Boniface, le trucage de paris sportifs est un phénomène autant voire plus important que le dopage. Mais la lutte s’organise, estime-t-il. Raison pour laquelle le nombre d’affaires qui éclatent au grand jour ne cesse d’augmenter.

En matière de tricherie dans le sport, on pense en premier lieu au dopage, qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Mais les paris sportifs ne sont-ils pas un fléau plus grave, dans un milieu où les enjeux financiers sont énormes ?

L’ampleur du phénomène est très grande. Ce fléau est certainement encore plus important que le dopage, puisqu’il est multiforme et peut concerner plusieurs acteurs. Il met en cause l’intégrité des compétitions. Et permet des liens entre le crime organisé et le sport. Mais ce danger est de plus en plus pris en compte par les différentes instances sportives et les pays. Il y a une convention européenne en la matière. En Chine, les pouvoirs publics, qui étaient assez peu préoccupés par ce type de dérives, voire bienveillants à leur égard, commencent à s’organiser. Interpol également. Il y a eu un temps de retard par rapport à la lutte contre le dopage. Mais désormais, c’est un phénomène mieux identifié. Et comme pour le dopage, ce n’est pas parce qu’il y a plus d’affaires qui éclatent au grand jour, qu’il y a plus de paris truqués. Au contraire, cela signifie qu’ils sont davantage identifiés et dénoncés.

Que peut-on faire ? Est-il possible d’empêcher que des joueurs parient contre leur propre équipe, par exemple ?

C’est évidemment le pire cas d’espèce : qu’un joueur parie sur sa propre défaite. C’est le vieux mythe du boxeur qui se couche parce qu’on a parié sur sa perte. La légende est connue. De la prévention est faite dans les clubs. Quelques cas ont été révélés. Les moyens de surveillance dont on dispose aujourd’hui laissent penser que l’impunité recule. Mais comme pour le dopage ou la criminalité, il n’y a pas de risque zéro. C’est une lutte sans fin. Il y a deux excès à éviter : le déni de réalité et le « tous pourris ». Les clubs et les responsables de loterie légale eux-mêmes luttent contre ces dérives car s’ils se retrouvent impliqués dans des affaires de paris truqués, ils tuent la poule aux oeufs d’or. Ces dernières sont les premières victimes des paris truqués parce que si les joueurs ont l’impression que tout est joué à l’avance, ils ne vont plus parier.

Ces dernières années, le sponsoring par des entreprises de paris en ligne a explosé. Clubs et fédés ne sont-ils pas les victimes consentantes de ce business ?

Si un opérateur de paris qui sponsorise un club est pris la main dans le sac, son business plan est détruit. Le problème des paris truqués ne vient pas des entreprises qui ont pignon sur rue, mais d’autres opérateurs « gris ». Pour lutter contre cela, il faut certainement harmoniser les sanctions au niveau européen. Et développer le contrôle du jeu en ligne. En France, l’Arjel, l’autorité de régulation des jeux en ligne, détecte assez facilement les paris suspects. Il faudrait sans doute aussi limiter ce sur quoi on peut parier. Aujourd’hui, on peut miser sur l’équipe qui obtiendra le premier corner, etc. On pourrait limiter les paris aux résultats des matchs. Car on peut très bien truquer des paris sans truquer le résultat d’un match. Le problème aujourd’hui ne se situe pas au niveau des grands clubs, car corrompre le Real ou Manchester United, cela coûterait beaucoup trop cher. C’est dans les niveaux inférieurs qu’il y a des problèmes de corruption et de détournement de l’intégrité du sport.

Propos recueillis par Corentin di Prima
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