ANALYSES

Mahmoud Abbas, agent du KGB ? Des contacts qui relèvent « plus de la logique que de la trahison »

Presse
9 septembre 2016
Interview de Pascal Boniface - LCI.fr
Lointaine réminiscence de la Guerre froide, sombre manipulation sur fond de conflit israélo-palestinien ou tissu d’absurdités ? Alors que deux chercheurs israéliens ont affirmé mercredi que Mahmoud Abbas a été un agent du KGB, la présidence palestinienne a dénoncé « une campagne de calomnie ». Que penser de ces accusations ? Quel impact peuvent-elles avoir sur les relations israélo-palestiniennes et sur le processus de paix ? LCI a interviewé Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), qui vient de publier L’année stratégique 2017 (éditions Armand Colin).

Que penser des allégations des chercheurs israéliens qui affirment que Mahmoud Abbas était un agent du KGB ?

Il faut voir comment on considère l’expression « agent du KGB ». Les services soviétiques étaient en liaison avec les Palestiniens, qu’ils soutenaient. Mahmoud Abbas a étudié à Moscou où il a soutenu sa thèse, il me parait donc tout à fait possible, plausible si ce n’est probable qu’il ait été en contact avec le KGB. Mais pas au sens d’un agent qui aurait joué contre sa propre nation au service de l’URSS.
Le terme d’agent peut recouvrir des réalités très différentes. Travaillait-il directement pour les services secrets ? Était-il simplement en contact avec eux, ce qui n’est rien d’autre que la vie politique et diplomatique traditionnelle ? Qu’un Palestinien, dans les années 80, ait été en contact avec le KGB relève donc plus de la logique que de la trahison.

Quelles peuvent être les conséquences de ces accusations sur les relations israélo-palestiniennes ?

Les relations israélo-palestiniennes sont tellement mauvaises qu’aucune conséquence n’est à attendre. Les Israéliens qui n’aiment pas Mahmoud Abbas seront confortés dans l’idée qu’il n’est pas fiable et les Palestiniens verront dans ces accusations une nouvelle tentative d’Israël pour nuire à leur cause.
Mahmoud Abbas n’est de surcroît pas extrêmement dangereux pour les Israéliens. C’est quelqu’un qui est en bout de course politique, qui est assez âgé et dont la légitimité personnelle auprès de la population n’est pas si forte que cela. Il est donc loin d’être le Palestinien le plus encombrant et le plus gênant pour Israël.

Dans ce contexte, la tentative de médiation russe récemment engagée par Vladimir Poutine a-t-elle une chance d’aboutir ?
Toutes les médiations internationales sont refusées par Israël et il n’y a aucune conséquence négative à ces refus. On peut donc penser que la médiation russe ne produira aucun résultat, comme c’est le cas depuis plusieurs années. Les Russes veulent montrer qu’ils ne sont pas absents du dossier et ne pas laisser le monopole de la médiation aux Occidentaux. Mais cela n’a aucune importance puisque les Israéliens estiment qu’ils n’ont pas à céder aux sollicitations internationales. »
Sur la même thématique