ANALYSES

Bien pire que l’état de santé d’Hillary Clinton, son incapacité à creuser l’écart avec un Donald Trump gaffeur et peinant à rassembler son propre camp

Presse
13 septembre 2016
Selon les derniers sondages publiés par RealClearPolitics, Hillary Clinton ne devance Donald Trump que de trois points de pourcentage, et ce, alors même que le candidat Républicain reste très impopulaire. Comment expliquer que Hillary Clinton ne parvient pas à devancer son adversaire par un écart plus important ? Au-delà de la santé d’Hillary Clinton, n’existe-t-il pas des points de préoccupation plus importants dans sa campagne ?

Rappelons d’abord que ces écarts serrés ne tiennent pas encore compte des effets du malaise de Madame Clinton et des révélations sur sa pneumonie. Son état de santé vient donc s’ajouter à une liste de facteurs expliquant qu’elle ne parvient pas à distancer son adversaire. Parmi ceux-ci, notons une incapacité de la candidate démocrate à élever le niveau de cette campagne. Elle semble être tombée dans le piège assez finement tendu par Trump, qui ne veut surtout pas que les Américains choisissent entre une « expérimentée » et un « populiste », et il a en ce sens bien retenu la leçon de la primaire démocrate contre Bernie Sanders.
Résultat, à deux mois de l’élection, nous attendons encore les débats d’idées, les oppositions de programmes, de visions de l’Amérique, etc. C’est ce qui fait le caractère singulier de cette campagne, qui est d’une certaine manière captivante par son désintérêt. Madame Clinton ne parvient pas par ailleurs à se détacher d’une image élitiste, alimentée par les attaques incessantes sur les conflits d’intérêts avec la fondation que préside son mari, et bien entendu l’affaire des emails privés, qui témoigne d’une grande imprudence de sa part. Sur tous ses sujets, la candidate démocrate est sur la défensive, et c’est ainsi Trump qui est le grand animateur de cette campagne. Ajoutons à cela que ses ripostes, comme de chercher à présenter Trump comme un ami des dictateurs ou un proche de Poutine (la Russie s’invitant même, selon elle, dans la campagne), n’ont pas convaincu. Enfin, rappelons que Hillary Clinton a perdu les primaires démocrates de 2008, et malgré une campagne axée sur le thème d’un nouveau profil, elle reste identifiée comme une perdante, ce qui n’est jamais profitable dans les élections américaines. Les Démocrates n’ont pas voulu d’elle en 2008, pourquoi les Américains la plébisciteraient-ils en 2016 pourraient ainsi clamer ses adversaires. Bref, sa campagne n’est pas réussie.

Malgré l’avance qu’Hillary Clinton conserve encore à ce jour, avance qui peut être renforcée par le système électoral américain (grands électeurs), l’incapacité de creuser l’écart suscite-t-elle une réelle inquiétude au sein du camp démocrate ? Quelle est la riposte envisagée ?

Il y a bien entendu lieu de s’inquiéter pour le camp démocrate, et le mode de scrutin n’arrange en rien la situation en fait. On note ainsi que dans certains Etats clefs (les plus indécis, et dans lesquels la décision finale se fera) comme l’Ohio ou la Floride, l’écart encore important en faveur de Madame Clinton il y a quelques semaines est redescendu en-deçà des marges d’erreur de certains instituts de sondages. En clair, les deux candidats y sont quasiment à égalité, même si les Démocrates conservent encore un mince avantage. Comme toujours, ce n’est pas au niveau national, mais dans les Etats clefs. La riposte misait justement sur une campagne de proximité, avec une multitude de déplacements. A ce titre, l’annulation d’une tournée en Californie (qui est au passage de toute façon acquise à Hillary Clinton) est inquiétante quant à la capacité physique de la candidate démocrate à accélérer sa campagne. Barack Obama doit à nouveau intervenir dans un de ses meetings, et on peut même imaginer que le président américain se montre plus actif, lui qui s’est clairement engagé en pointant notamment du doigt le profil d’iconoclaste de Donald Trump. Cela aura-t-il un effet positif sur la dynamique de campagne de Hillary Clinton ? Rien n’est moins certain.

Alors que l’élection se tiendra dans quelques semaines, quels sont encore les leviers dont disposent les deux candidats pour influencer le vote des Américains ? Une surprise Trump est-elle encore possible au stade actuel ?

Soyons clair, la « surprise » Trump a toujours été possible dès lors que le milliardaire newyorkais a été investi par le parti républicain.
La couverture médiatique de la campagne présidentielle en France, très à l’avantage de Madame Clinton et parfois excessive sur Monsieur Trump (la faute lui en revenant cependant) a pu donner l’impression que ce dernier était un outsider improbable, en plus d’un imbécile. Or, les rapports de force entre Démocrates et Républicains sont très serrés, et rappelons que les Républicains sont actuellement majoritaires au sénat et à la Chambre des représentants. Bref, les chances du candidat républicain, quel qu’il fut, sont importantes et l’ont toujours été. Malgré tout, si l’élection avait lieu demain matin (et en faisant abstraction du malaise de dimanche), Madame Clinton serait élue. Mais les leviers sont plus nombreux côté républicain. L’affaire des emails reste une épine dans le pied de Hillary Clinton, les soutiens financiers de son mari aussi, et désormais la question médicale va occuper le terrain, avec des rumeurs qui vont aller bon-train. Pendant les deux prochains mois, elle sera de plus en plus sur la défensive. Peut-elle tenir ? Mais au final, et au-delà de ces considérations et des déclarations très souvent (et volontairement) outrancières de Donald Trump, la question posée aux Américains sera surtout de savoir s’ils sont prêts à élire un candidat hors du système, et qui a fait une campagne anti-système. La réponse est simple : pourquoi pas ?
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