ANALYSES

« Les attentats vont continuer »

Presse
16 juillet 2016
Spontanément, qu’est-ce que ce nouvel attentat évoque pour vous ?

Sur la question du mode opératoire (une attaque au camion) II n’y a rien de neuf puisqu’il y en a déjà eu d’autres au Canada et au Royaume Uni. Ce qu’il y a de très inquiétant c’est que, selon moi, l’Etat islamique (El) est en train de nous montrer qu’il peut juxtaposer plusieurs techniques d’attentats et de les alterner.
La première méthode est celle qui a été appliquée avec Charlie, à savoir de récupérer un attentat que l’El n’a pas directement organisé.
La seconde méthode, c’est celle du 13 novembre à savoir un commando « à l’ancienne » et qui est organisé, formé et entraîné.
La troisième méthode qu’on vient de voir à Nice, c’est d’encourager les attentats spontanés. Tout cela se trouve depuis longtemps dans la littérature et la théologie de l’El un premier cercle d’adeptes est certes invité à quitter nos « terres de mécréants » et à combattre en Irak ou en Syrie, mais tous ceux qui ne le font pas sont invités à passer à l’action dans leur pays. Ce chauffeur de camion n’était jamais allé faire le djihad, mais il se considérait comme affilié. Notre problème, c’est que ces affiliés sont difficiles à suivre et à identifier.

On est frappé par l’économie des moyens utilisés par ce nouvel attentat…

C’est vrai. Au contraire du commando du Bataclan qui avait« coûté » cher à l’El en temps, en organisation, en formation, en matériel aussi. Mais des attentats comme celui de Nice ne coûte pas cher du tout à organiser et à mettre en place. Et l’impact est monstrueux.

Cette attaque ressemble un peu à celles qui étaient craintes contre les marchés de Noël en 2014…

C’est exact et je crois qu’on paie là nos erreurs et notre déni de la réalité. On a dit à l’époque que ces attaques étaient le fait de psychopathes sans lien avec l’Islam mais ce n’est pas ça. On a affaire à des gens qui obéissent aux instructions des gens du califat et qui suivent une idéologie très précise.

Jusqu’à présent, la région parisienne essuyait l’essentiel des attaques. Là, c’est la province. C’est une nouvelle cible ?

Pour l’Etat islamique, toute cible est légitime. Mais il faut bien s’imaginer que tout ce qui fait notre vie est contraire à ce qu’ils appellent la « loi de Dieu». Ils passent leur temps à envoyer des malédictions contre l’Etat, contre la Nation, contre le patriotisme, contre la démocratie. Il n’y a donc pas que Paris qui doit concentrer les attaques. Je pense aussi qu’ils posent le principe de la surprise stratégique en nous obligeant à disperser nos forces de secours et de défense et à les épuiser. C’est leur stratégie. Un jour, ils attaqueront peut-être un petit village de 400 habitants comme celui où je vis et on sera désemparé parce qu’on ne peut pas, matériellement défendre toutes les cibles.

Que faut-il faire, selon vous ?

Je trouve qu’on devrait commencer par réfléchir à ce qui se passe dans la tête de ces gens-là. J’ai co-écrit, il y a quelques années un livre qui s’intitulait : « Les terroristes disent toujours ce qu’ils vont faire ». Ça n’a pas changé : on devrait d’abord lire ce qu’ils écrivent et comprendre leur mentalité. C’est triste à dire mais même si ça paraît élémentaire, notre classe politique est encore loin de ça. Et il est bien certain que les attentats vont continuer.
Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?