11.12.2024
Attentat d’Istanbul : « Erdogan a été complaisant avec Daech »
Presse
30 juin 2016
La situation s’est aggravée depuis juillet 2015, avec l’attentat de Suruç, près de la frontière syrienne. Il n’a jamais été revendiqué, mais a été attribué au groupe Etat islamique (EI). Le gouvernement turc a alors décidé d’engager une lutte résolue contre le terrorisme, mettant pour l’occasion l’EI et le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans le même sac. Depuis, les opérations militaires visant le PKK sont les plus nombreuses et entraînent une réaction du groupe rebelle kurde ou de ses réseaux satellites. Mais le retournement d’Erdogan concernant l’EI a également eu des conséquences.
Le président Erdogan porte donc une responsabilité particulière ?
Oui, à deux niveaux. Depuis 2011, Erdogan a une obsession : renverser le régime de Bachar al-Assad. Il a pour cela fait preuve de complaisance à l’égard de Daech. Depuis 2015, cette complaisance a disparu, et le gouvernement turc veut démanteler l’organisation. Mais ce retournement a entraîné des représailles. Concernant les Kurdes, la stratégie d’Erdogan est complètement contre-productive. En relançant la lutte militaire contre le PKK, en en faisant l’ennemi public numéro un, il a voulu jouer la stratégie de la tension pour gagner les élections législatives de novembre dernier. La lutte contre le terrorisme doit être implacable, mais on ne peut pas mettre l’EI et le PKK sur le même plan. Ils n’ont ni la même histoire ni les mêmes objectifs politiques.
Que doit faire le gouvernement turc pour sortir de cette spirale ?
L’Etat turc doit continuer à prendre sa place dans la guerre contre le terrorisme de Daech, partager ses renseignements avec les autres pays, prendre part aux bombardements de la coalition. Concernant le PKK, la seule voie possible est de reprendre les négociations. La Turquie est également prise dans un paradoxe important, puisqu’en Syrie le parti kurde est l’adversaire le plus efficace de Daech et qu’il est soutenu notamment par la France et les Etats-Unis.
Une Turquie instable est-elle un danger pour l’Europe ?
L’Union européenne et la Turquie sont en négociation pour une adhésion turque depuis 2005. Ces négociations ont été gelées, ce qui à mon sens est une erreur. La Turquie a un rôle indispensable pour la stabilité régionale. L’UE a également compris que les barrières ne retiennent pas les migrants et qu’elle a besoin de trouver des accords avec la Turquie pour gérer les flux. Le problème est que l’Europe s’en rend compte au mauvais moment, quand Erdogan est en plein raidissement autoritaire. Mais malgré les atteintes aux libertés de plus en plus nombreuses, nous devons aider la Turquie et ne pas la laisser s’enfoncer dans l’instabilité.
Propos recueillis par Antoine Terrel