ANALYSES

Quelles conséquences pour les nations qui composent le Royaume-Uni ?

Presse
24 juin 2016
Interview de Olivier de France - 20 Minutes
Et les premières revendications écossaises et nord-irlandaises n’ont pas tardé. La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a réclamé la tenue d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, le second en deux ans, tandis que le Sinn Fein (la branche politique de l’ancienne IRA) a également demandé une consultation populaire sur une possible réunification de l’Irlande. 20 Minutes fait le point avec Olivier de France, directeur de recherche à l’IRIS.

Ecosse, remain à 62% – L’Ecosse peut-elle demander un nouveau référendum quelques mois après le rejet de l’indépendance ?

Au vu des résultats de ce référendum-là, Nicola Sturgeon a une sorte de mandat démocratique pour aller à Londres et dire que l’Ecosse souhaite se maintenir dans l’UE, et n’a pas à subir la volonté du reste du Royaume-Uni à cet égard. Ce sont les négociations politiques qui vont tout déterminer, ce n’est pas du ressort juridique.

La question est de savoir si politiquement l’Ecosse aura les moyens d’imposer ce nouveau référendum. David Cameron l’acceptera-t-il ? Il doit penser à son héritage politique, est-ce qu’il voudra être le Premier ministre qui a démembré le Royaume-Uni ? L’Ecosse négociera-t-elle d’ailleurs avec lui, ou avec son successeur ? Et dernière interrogation, si elle obtient un référendum, et qu’elle vote pour rejoindre l’UE, il est tout sauf sûr qu’une candidature de l’Ecosse soit acceptée. Il y a des critères à respecter, notamment sur la dette et l’indépendance énergétique. Une automatisation de l’accès de l’Ecosse à l’Union européenne, ou même une procédure accélérée, n’est vraiment pas certaine.

Irlande du Nord, remain à 55,8% – Une réunification des deux Irlande est-elle imaginable ?

Dès qu’on sollicite la vox populi chacun est dans son bon droit pour jouer sa carte séparatiste. C’est une logique infernale, et nous verrons comment David Cameron arrive à gérer ce problème qu’il a lui-même provoqué, et qui ne se limite pas qu’à l’Ecosse. Le Sinn Fein a appelé à un référendum pour unifier l’Irlande. On rentre dans le brouillard, car le contexte irlandais et nord-irlandais est autrement plus pesant qu’en Ecosse. Si jamais un tel référendum devait avoir lieu, les citoyens d’Irlande du Nord qui souhaitent, pour des motifs passionnels, ne pas se séparer du Royaume-Uni, rentreraient en opposition violente avec ceux qui souhaitent solder ce conflit et réunifier l’Irlande. Quoiqu’il arrive, le processus prendra du temps. Dans ce laps de temps, les frontières extérieures de l’UE devront être rétablies, entre l’Irlande, toujours membre, et l’Irlande du Nord, qui ne le serait plus. Je ne sais pas si les Irlandais des deux côtés l’accepteront.

Pays de Galles et Angleterre, Brexit à 52,5 et 53,4% – Comment interpréter les votes gallois et londonien ?

La manière dont les Gallois ont voté est très étonnante. Le pays de Galles a fortement bénéficié des fonds structurels européens, ce qui lui a permis de rattraper un retard économique significatif par rapport à l’Angleterre. Quand on suit l’histoire de la construction européenne, c’est difficile de comprendre pourquoi ils ont voté en faveur du Brexit. Maintenant, au pays de Galles et en Angleterre, vous avez une polarisation entre Londres, qui est la grande métropole ouverte sur le monde, et les territoires alentours. On remarque d’ailleurs sur la carte du vote au référendum que ce sont les territoires les plus éloignés de Londres, dans le Nord de l’Angleterre et au pays de Galles, qui ont le plus voté en faveur du Brexit. Je crois que la fracture est là, entre Londres, la grande ville européenne, et les territoires qui ont une vision plus insulaire, moins interdépendante. Au passage, si on pousse la logique indépendantiste de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord jusqu’à l’absurde, Londres aussi pourrait très bien demander à rester dans l’UE indépendamment du Royaume-Uni, puisque les Londoniens ont voté à 59,9% pour le Remain.
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