ANALYSES

Pour la diversité en politique Paris n’est pas Londres

Presse
8 mai 2016
Anne Hidalgo ne peut se comparer à Sadiq Kahan le nouveau maire de la capitale du Royaume Uni qui représente bien les minorités visibles. En France, seules quatre mairies de grandes villes seulement sur 260 de plus de 30 000 habitants sont dirigées par des Français issus des «minorités visibles».

Sadiq Khan, un fils d’immigré pakistanais – musulman qui plus est – a été élu à la Mairie de Londres, la plus grande métropole d’Europe voire d’Occident. Le symbole est fort. Il sonne avec une force particulière en France, pays dont la foi dans le principe d’égalité comme dans son modèle d’intégration est en crise ; un pays que certains tentent de plonger dans l’angoisse d’un «grand remplacement»…

Ce n’est pas sans un certain sens de l’humour – teinté de cynisme ? – que le conseiller presse de la maire de Paris a tweeté à quelques heures de l’élection : «Après Anne Hidalgo à Paris, Londres sur le point d’élire un maire issu de l’immigration». Certes, elle est bien née en Espagne avant d’être naturalisée française. Reste que son cas, comme celui de Manuel Valls ou de Nicolas Sarkozy (dont le père est un immigré hongrois) ne relève en rien de la problématique des inégalités et discriminations subies par les enfants issus de l’immigration maghrébine et africaine. Comparer Anne Hidalgo (Valls, Sarkozy et pourquoi pas Balladur…) à Sadiq Khan constitue donc un «abus de symbole». Espérons simplement, que si l’actuelle Maire de Paris devait entrer un jour à l’Elysée, elle n’osera pas comparer l’événement à l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis…

Paris est une capitale-monde aux caractères historiquement cosmopolite et multiculturel. Cette part essentielle de l’identité de la ville Lumière contraste avec la morphologie d’un corps municipal pathologiquement homogène. Les élections municipales de 2014 et le changement partiel des équipes dirigeantes (membres de l’exécutif et cabinets respectifs) ont conforté cette impression d’homogamie, d’«endogamie endémique». Les mécanismes de reproduction sociale, de solidarité de classe et de réseaux fonctionnant en circuit fermé jouent à plein. Lors de la campagne municipale, la photo monocolore – éloignée du discours multiculturel tenu officiellement – de ses têtes de liste avait fait sensation. Dans une défense aussi maladroite que symptomatique d’un état d’esprit, Anne Hidalgo rétorqua qu’elle incarnait à elle seule la diversité de son équipe… Un peu comme si Manuel Valls, lui aussi d’origine espagnole, pouvait se targuer d’incarner la diversité au sein du gouvernement… Résultat, le Conseil municipal, le cabinet du maire (sans parler de l’administration de la Ville de Paris) continuent de symboliser un «vivre entre soi» à la française, prégnant dans les diverses allées du pouvoir politico-administratif national (Elysée, Matignon, Assemblée nationale, Sénat, mais aussi les hautes sphères des ministères).

Anne Hidalgo aurait beau jeu d’invoquer l’anti-communautarisme pour balayer toute critique. Or, sauf à verser dans une forme de naïveté hypocrite, les pratiques clientélistes sont prégnantes dans la vie politique parisienne. La logique communautariste/clientéliste joue de facto dans la constitution des listes d’arrondissement jusqu’à la répartition de certains postes de Maire-adjoint. Un tabou au nom d’un universalisme républicain pourtant malmené par les protagonistes de notre système politique.

Le cas de Paris est symptomatique d’un mal français. Seules quatre mairies de grandes villes seulement sur 260 de plus de 30 000 habitants [1] sont dirigées par des Français issus des «minorités visibles». Ces derniers restent massivement exclus des fonctions électives. Les discriminations/représentations négatives dont sont victimes les minorités «visibles» ne se limitent pas à l’accès au marché du travail, au logement, aux loisirs… La ségrégation sociale et territoriale se double d’une ségrégation politique. L’élection politique est aussi le produit d’une (pré-)sélection fondée sur des critères liés à la classe sociale, au sexe, et à l’origine ethno-culturelle du citoyen. Le fait d’être visiblement issu d’un segment particulier de la société semble être une source d’illégitimité ou d’incapacité à incarner la représentation nationale… La sélection (investiture d’un parti politique ou nomination par le fait du Prince) n’est envisageable qu’au terme d’une logique de casting dont les exigences ne correspondent pas forcément – loin s’en faut – à celles du mérite républicain…
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