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Soupçons de corruption dans le tennis : « Les meilleurs joueurs du monde n’acceptent pas de pots-de-vin »

Presse
20 janvier 2016
Interview de Pim Verschuuren - MetroNews
Etes-vous surpris par l’ampleur médiatique des enquêtes de la BBC et de BuzzFeed qui ont fait passer au second plan le début de l’Open d’Australie, premier grand tournoi de la saison ?
Un peu oui, car, au final, on n’apprend pas grand-chose de concret. Des joueurs approchés pour perdre un match, on savait que ça existait. Et même le fait que 200.000 dollars ont été proposés à Novak Djokovic (en 2007, ndlr), le joueur l’avait déjà dit. La seule nouveauté, mais il n’y a pas de preuve, c’est que l’enquête dit que la Tennis Integrity Unit (TIU, chargée de lutter contre la corruption), plus que d’avoir du mal à identifier les tricheurs, aurait peut-être étouffé des affaires.

Reste que l’on parle tout de même de certains des meilleurs joueurs mondiaux qui pourraient être corrompus…
Oui mais il ne faut pas tout confondre. Car lorsque l’on parle de matches suspects concernant des joueurs du Top 50, on parle de rencontres qui se sont déroulées il y a une dizaine d’années. Et à cette époque-là, ces joueurs ne faisaient pas partis du haut du panier… Aujourd’hui, vu ce que gagnent chaque année les tout meilleurs au monde, à mon avis, ils n’acceptent pas de pots-de-vin. Car même très élevés, ils seraient bien en deçà des gains des joueurs.

Le problème ne concernerait donc que le niveau inférieur ?
En partie, oui. Car on le sait, les disparités de revenus et le fait que le tennis soit un sport individuel (donc une seule personne à corrompre, ndlr) font de ce sport un des plus exposés. Un exemple : il y a cette semaine à Bressuire (Deux-Sèvres) un tournoi Future (c’est le plus bas niveau professionnel, ndlr) que vont disputer des gens qui gagnent très peu d’argent avec le tennis. Et pourtant, on peut parier sur cette compétition depuis les sites étrangers du monde entier… C’est le souci du déséquilibre entre l’enjeu sportif et financier d’un petit tournoi (le vainqueur d’un Future empoche entre 10.000 et 15.000 dollars, ndlr) et les sommes qui peuvent être pariées dessus. Il faudrait une régularisation des paris sportifs telle qu’on la connaît en France avec l’Arjel, mais à l’échelle internationale.
Est-ce un problème pris au sérieux par la Fédération internationale de tennis ?
Oui, surtout depuis 2008 et l’affaire Nikolaï Davydenko (le joueur avait abandonné un match face un adversaire plus modeste sur une blessure suspecte, alors que des sommes anormalement élevées ont été placées sur sa défaite, ndlr). C’est un des premiers sports à avoir réagi sur ce problème en mettant notamment en place la Tennis Integrity Unit (TIU). Mais il y a sans doute une nécessité les moyens de lutte, car la TIU, ce sont quatre ou cinq policiers dans la banlieue de Londres chargés de surveiller tous les tournois du circuit professionnel et amateur…

Que doit encore faire le tennis pour lutter contre la corruption ou du moins le soupçon de corruption ?
La Fédération internationale doit plus communiquer sur ce qu’elle met en place, elle doit se montrer aussi plus transparente sur les enquêtes qu’elle mène et sur les sanctions qu’elle prend. Elle doit aussi protéger les lanceurs d’alerte, car ce n’est pas rien de dénoncer l’approche de membres du crime organisé. De toute façon, le tennis ne peut pas tout faire tout seul. Comment prouver que tel point ou tel match a été perdu volontairement ? C’est impossible. Dans le football, si on prend le cas de l’affaire Bochum (trucage de plusieurs matches de Coupes d’Europe en 2009, ndlr), ce n’est que parce que la justice enquêtait sur des mafias qu’elle s’est rendue compte que pour blanchir l’argent de la drogue, de la prostitution ou des armes, les criminels se servaient des paris sportifs.

Propos recueillis par Sébastien Coca pour MetroNews
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