ANALYSES

« Daech disparaîtra si son territoire est reconquis »

Presse
3 janvier 2016
La multiplication des actions et des menaces terroristes émanant de Daech ne peut se comprendre sans connaître le contexte de formation et l’évolution du groupe État islamique. Pascal Boniface livre ici quelques clefs de compréhension.

> Daech peut préparer ses actions depuis son territoire.

Daech possède à la fois une assise territoriale en Syrie et en Irak et des ramifications à l’étranger. Il peut se préparer tranquillement sur son territoire et ensuite aller frapper dans des pays qu’il considère comme ennemis. Car Daech a des moyens matériels et financiers qui n’ont rien à voir avec les moyens d’Al-Qaida, qui était au fond une organisation plutôt pauvre et limitée. Tout ceci constitue une très forte attraction pour des combattants venus de l’étranger. Lesquels peuvent ensuite repartir vers l’Europe.

> La France ne se soumet pas au chantage.

Certains préconisaient de stopper les bombardements pour éviter qu’ils suscitent des représailles, mais si la France les avait cessés, cela aurait voulu dire qu’elle se soumettait au chantage politique terroriste. La décision de frapper encore plus fort pour montrer que la France ne céderait pas était sans doute le bon message à envoyer. Mais on sait que cela ne suffira pas à vaincre Daech. Cela passera par la mise en place d’une coalition beaucoup plus large et donc beaucoup plus forte.

> Le piège de l’intervention terrestre.

La Russie, la France et d’autres pays peuvent bombarder des positions de Daech. Mais on sait très bien qu’une intervention terrestre occidentale est l’autre objectif de Daech, qui veut tendre un piège comparable à l’Irak de 2003. Une erreur qui a finalement conduit à l’acte de naissance de Daech. Pour le moment, ces pays (Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis) ne veulent pas y aller. Ils sont engagés au Yemen, qui ne me semble pas être la plus grande priorité. Il faut donc entamer un dialogue fort avec eux dans la mesure où nous sommes face à une forte contradiction : les pays occidentaux ne veulent pas aller au sol parce que cela renforcerait Daech sur le long terme et en même temps, s’il n’y a pas d’intervention au sol, il n’y aura pas de victoire définitive sur Daech.

> Des frappes aériennes contre les installations pétrolières.

C’est une manière de couper les sources d’approvisionnement financières de Daech. Et frapper à la bourse permet de réduire ses capacités d’intervention et de recrutement. Parce qu’il ne faut pas perdre de vue qu’il y a beaucoup de gens qui les rejoignent parce qu’ils sont payés. Si Daech n’était plus en mesure de fournir des salaires aux mercenaires et des services publics à la population, cela limiterait son attractivité pour les djihadistes et pour la population de la région.

> Un diagnostic mais pas de stratégie.

Si le territoire est reconquis, Daech disparaîtra. Certes, ils peuvent s’éparpiller. Mais s’ils perdent une assise territoriale et une grande partie de leurs moyens financiers, leur capacité de nuisance sera sinon anéantie du moins très largement réduite. Mais cela ne se fera ni en quelques jours, ni en quelques semaines. Pour le moment, il y a un diagnostic commun pour dire que Daech est une menace mais il n’y a pas de stratégie commune à tous les pays concernés.

Propos recueillis par Samuel Ribot
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