ANALYSES

Mali : «La sécurisation n’est pas du tout assurée»

Presse
21 novembre 2015
Faut-il voir un lien dans l’attaque d’un hôtel hébergeant des Français, une semaine jour pour jour après les attentats de Paris ?
C’est la France évidemment dans le sens où elle est présente au Mali depuis le début de l’opération Serval, cela étant c’est une prise d’otages dans un grand hôtel international qui abrite d’autres ressortissants de multiples nationalités. Mais je ne crois pas qu’il y ait de lien direct avec les attentats de Paris. Je pense que ce qui était visé c’était aussi la réunion du G5 (des chefs d’Etat africains), puisque le président malien, IBK, était à N’Djaména avec Idriss Déby. Les terroristes veulent faire en sorte que le Mali, qui essaie de se reconstruire économiquement, ne le puisse pas.

Le groupe Al-Mourabitoune a revendiqué cette attaque. Que pèse ce groupe au Mali ?
Il est présent globalement au Mali, au Niger, en Libye et en Algérie. Son origine est d’ailleurs largement liée à l’Algérie et au GIA. Ce groupe est né de la fusion des «Signataires par le sang», de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar et d’une partie du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest), et il intervient dans cette zone gigantesque au milieu du Sahara. L’opération Barkhane et la Minusma ont contenu globalement les jihadistes, il n’y a pas eu d’affrontements militaires importants – sauf dans le massif des Iforas – mais par contre il y a eu des prises d’otages et des attentats suicides. Ils se sont disséminés dans l’espace. La sécurisation du territoire n’est pas du tout assurée, comme on le voit aujourd’hui.

Al-Mourabitoune étant proche d’Al-Qaïda, y a-t-il une concurrence avec Daech ?
A priori, mais il faut être prudent car les choses évoluent vite, Daech n’est pas présent au Mali. Il pourrait y avoir des liens avec Boko Haram au Nigéria, mais il n’est pas présent au Mali. Ceci étant, derrière ces groupes terroristes, il y a l’idéologie de l’occupation qui permet de recruter dans une lutte anti-occidentale, mais aussi les enjeux de contrôle de trafics qui existent. Donc des mouvances qui s’opposent aussi par leur capacité de contrôler des ressources. Les guerres médiatiques sont plus gagnées aujourd’hui par l’Etat Islamique (Daech), alors que Al-Qaïda est moins présent au niveau des médias. La volonté de changer ceci peut expliquer leur attaque à Bamako. Etre présent médiatiquement est un facteur très important de recrutement, vu le nombre de jeunes illettrés et désœuvrés.

Quasiment trois ans après le début de l’opération française Serval au Mali, quelle est la situation dans le pays ?
On n’a jamais réglé dans l’histoire les questions de terrorisme par de simples actions militaires. Globalement, l’intervention Serval a évité la prise de Bamako par les jihadistes. Deuxièmement, ça a fait que ces groupes ont perdu de leur capacité d’action concertée sur le territoire, par contre ils se sont disséminés dans un espace qui est vingt fois supérieur à la France. Dès qu’ils font des attaques, ils se dispersent et se fondent dans la population, et quand on a un stratège comme Mokhtar Belmokhtar, il sait attendre le temps qu’il faut.
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