ANALYSES

« La France doit définir sa stratégie »

Presse
17 novembre 2015
La France va intensifier ses frappes en Syrie. Est-ce vraiment un tournant dans notre coopération militaire, notamment avec les États-Unis ?
Il s’agissait, la nuit dernière, d’une attaque ciblée sur Raqqa, objectif symbolique puisqu’il s’agit de la capitale de l’État islamique. C’est un départ, mais le vrai tournant, nous le verrons lorsque la France aura redéfini ses buts politiques en Syrie, lorsqu’elle aura indiqué le système d’alliance dans lequel elle veut s’inclure et, enfin, lorsqu’elle aura expliqué la stratégie militaire qu’elle veut déployer ou soutenir sur le terrain.
Il est temps de dire clairement qui est notre ennemi prioritaire. Pour moi, c’est depuis longtemps l’Etat islamique, une organisation capable de déchaîner des métastases dans le monde entier. À ce jour, 18 pays comptent des groupuscules qui ont prêté allégeance à l’EI. Parmi ces pays, la Libye vers laquelle lorgne l’État islamique comme un pays à conquérir.

Quelles actions privilégier ?
Contre le terrorisme, la stratégie militaire doit passer par une action aéroterrestre. La France n’a pas les moyens de mener cette grande guerre toute seule. De plus, l’arrivée sur le territoire syrien d’une force occidentale peut soulever d’autres problèmes comme on l’a vu avec l’Irak. Nous ne devons pas faire intervenir nos armées au sol. L’action aéroterrestre doit se traduire par une aide aux acteurs locaux : les Kurdes d’abord, que nous aidons comme le font les États-Unis et qui ont réussi vendredi à reprendre la ville de Sinjar à l’EI. Il y a aussi l’armée irakienne partagée entre les milices chiites et l’armée iranienne plutôt sunnite. L’Iran est un acteur qu’il faut absolument inclure dans la résolution de la guerre. Au nord, s’est opéré un revirement stratégique avec l’intervention russe. Celle-ci a permis de bloquer la route de Damas à l’État islamique qui fonde toute sa crédibilité, sa communication, sur la reconstitution du califat dont la capitale était Damas. Si Damas tombe, nous ne pourrons plus jamais éradiquer l’État islamique.

Selon vous, les pays du G20 pourraient aussi s’engager ?
On pourrait imaginer en effet que tous les pays du G20 s’allient pour se répartir les tâches. La France est déjà largement engagée dans la bande sahélo-saharienne, mais avec des moyens insuffisants pour vraiment faire face. A côté de cela, pourrait voir le jour un vrai front en Syrie. Nous sommes dans une guerre mondiale qui impose aux pays de se partager les fronts. Il faut pousser les autres États à agir et arrêter de faire la fine bouche devant la présence des Russes ou des Iraniens.

Est-on condamné à composer avec Assad ?
Nous verrons le sort d’Assad une fois l’État islamique vaincu. Pour l’heure, il faut s‘allier à l’armée syrienne. Assad a été invité à Moscou pour montrer aux Syriens que la Russie les appuie. Assad n’est que le point de focalisation d’une volonté de nombreux Syriens de se défendre contre l’EI. Pour Poutine, la préoccupation n’est pas Assad, mais Damas qu’il faut défendre dans la durée.
Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?