ANALYSES

« C’est bien une guerre contre l’Etat islamique »

Presse
16 novembre 2015
Interview de Pascal Boniface - MétroNews
François Hollande parle des attentats de Paris comme d’un « acte de guerre ». Le terme « guerre » est-il approprié face à une organisation terroriste comme Daech ?
Il n’y a pas de guerre « contre le terrorisme », le terrorisme étant un moyen d’action. De plus, l’expression est connotée : elle a été employée, avec des conséquences catastrophiques, par le président américain George W. Bush après le 11 septembre 2001, pour justifier la guerre en Irak. Une stratégie qui a nourri le terrorisme au lieu de le combattre. Cette notion de « guerre contre le terrorisme » évoque une erreur politique et stratégique. Cependant, lorsque vous déplorez 129 morts (bilan au 15 novembre, 20 heures, ndlr) sur votre territoire, ce n’est pas un accident, c’est un conflit. Il faut appeler les choses par leur nom : ce n’est pas une guerre contre le terrorisme, mais bien contre l’Etat islamique.

En principe, pour faire la guerre, il faut un Etat en face de soi. Daech en est-il un ?
Pendant longtemps, on a dit qu’il ne fallait pas parler d' »Etat » islamique. Sauf que cette organisation existe et qu’il faut reconnaître qu’il y a une autorité qui exerce le contrôle sur une population et sur un territoire, ce qui est la définition même d’un Etat. On ne peut donc pas nier qu’il y a un « Etat islamique », et qu’à partir du moment où il revendique ces attentats, on est en guerre contre lui.

Parler de « guerre » peut-il déboucher sur des mesures exceptionnelles ? Un « Patriot act », un « Guantanamo » à la française pour interner les terroristes, comme certains le préconisent à droite ?
Le fait de dire que l’on est en guerre ne conduit pas nécessairement à proposer des mesures idiotes. Le camp américain de Guantanamo, on en connaît les résultats, il a davantage nourri le terrorisme qu’autre chose. Dire que nous sommes en guerre, c’est reconnaître un danger. La guerre peut être gagnée par des moyens intelligents, en adaptant notre stratégie pour vaincre sans nécessairement prendre les mesures les plus sécuritaires. Il ne faut pas tomber, tête baissée, dans les pièges que nous tend notre ennemi.

Cet « état de guerre » implique-t-il une réorientation de la politique étrangère de la France, vis-à-vis notamment du président syrien Bachar el-Assad ?
Non. Les deux mamelles de Daech, c’est la guerre en Irak en 2003, et la répression menée par Bachar el-Assad depuis 2011. Ceux qui étaient pour la guerre d’Irak comme ceux qui soutiennent le président syrien sont mal placés pour nous donner des leçons sur la meilleure façon de gagner la guerre contre Daech. En outre, une intervention terrestre occidentale serait malvenue. Elle viendrait nourrir la propagande de Daech sur l’intervention des « croisés » occidentaux contre les sunnites. Pour couper court à cette propagande, il est donc nécessaire que les pays du Golfe et la Turquie soient en première ligne, soutenus bien sûr par les pays occidentaux, l’Iran et la Russie.
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