ANALYSES

« Aujourd’hui la situation nous impose de changer notre position »

Presse
25 septembre 2015
Interview de Didier Billion - Les Echos
Parler à Bachar Al Assad, est-ce la solution ?
Je le pense depuis très longtemps. Il y a avec la Syrie un principe de réalité à prendre en compte. Depuis plusieurs années, les dirigeants politiques commettent la même erreur d’analyse, celle d’un départ prochain du président syrien. Or, Bachar Al Assad n’est pas Ben Ali, le président tunisien déposé en 2011. Quel que soit le personnage, il est en place. A ce stade, il n’est pas question de dialoguer avec le dictateur. Simplement de reprendre langue avec des membres de son équipe. De tels contacts ne se feront de toutes les manières possibles, du côté syrien, qu’avec l’aval du président.
Cela dit, ce qui vient de se produire avec Angela Merkel et François Hollande est le résultat d’un manque de consultation évident. Même si la chancelière allemande est coutumière de ce type d’effet d’annonce, il s’agit là, de sa part, d’une volte-face très brutale. L’Allemagne, qui est normalement solidaire de ses partenaires européens, met le président français en porte à faux.

A force de prôner la fermeté contre Bachar Al Assad, la position française ne risque-t-elle pas de devenir intenable ?
Elle l’est déjà, même si la position française a évolué sans le dire. A présent, certains membres du gouvernement évoquent la possibilité de parler à l’équipe de Bachar Al Assad. La France se grandirait en changeant de pied au nom de la réalité des rapports de force et du danger que représente Daech. Non seulement, elle doit annoncer ce revirement, mais elle doit s’y tenir. Aujourd’hui, la situation nous impose de changer notre position.

Que peut-il se passer maintenant, l’Allemagne peut-elle entraîner d’autres pays dans son sillage ?
La logique voudrait que, maintenant, l’initiative passe par Moscou. Il suffirait pour cela que quelques pays européens ­– l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, par exemple – adoptent une démarche commune pour enclencher le mouvement. Il est évident que l’Allemagne ne peut le faire seule. Face à un tel geste, Vladimir Poutine ne peut opposer une fin de non-recevoir, car c’est l’occasion de tout remettre à plat. Et puis j’ajouterai que, dans le dossier syrien, il n’y a pas que la Russie qui soit intervenue en aidant le régime d’Assad. Certains pays, parmi lesquels la France, ont donné un coup de main aux rebelles contre Assad.
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