ANALYSES

Xi Jinping aux Etats-Unis : les 3 dossiers qui continuent à compliquer les relations entre Washington et Pékin

Presse
24 septembre 2015
A l’occasion de sa première visite d’état aux Etats-Unis, Xi-Jinping va rencontrer différents acteurs économique, avant de diner avec Barack Obama. Actuellement, que peut-on dire des relations entre les USA et la Chine ?
Xi-Jingping effectue sa première visite d’état aux Etats-Unis, mais il s’y est déjà rendu plusieurs fois, la première fois en 1985. En Février 2012, alors vice-Président, il avait rencontré les principaux dirigeants américains, dont Obama, qu’il a revu ensuite -entre autres- lors d’une longue rencontre privée en Californie en Juin 2013, puis à Pékin en novembre 2014. On note aussi que la visite du Président chinois intervient en même temps que celle du Pape François. La collision des emplois du temps et la différence de charisme entre les deux visiteurs ne joue pas en faveur du premier, même si certains milieux d’affaire ont quand même une nette préférence pour Xi. Les relations entre Chine et Etats-Unis sont actuellement tendues, mais les raisons profondes de ces tensions ne sont pas nouvelles.
On se souvient qu’il y a encore peu, certains commentateurs glosaient sur l’émergence d’un G2 qui réunirait les deux pays pour se partager une sorte de domination mondiale. Cette construction intellectuelle n’a pas résisté aux réalités et les raisons de désaccord les plus profondes subsistent.

De nombreux contentieux opposent la Chine et les Etats-Unis de Barack Obama. Quels sont-ils précisément et dans quelle mesure peuvent-ils peser sur le contexte de leur rencontre ?
Les contentieux sont de différents ordres, mais il faut tout d’abord comprendre que, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Chine populaire, les dirigeants se déterminent avant tout en raison de leur politique intérieure, même si les observateurs extérieurs tendent à s’intéresser davantage à leurs relations avec le reste du monde. Sur le plan économique, les Etats Unis répètent depuis longtemps les mêmes griefs à l’égard de Pékin. Manipulation des taux de change, violations de la propriété intellectuelle et industrielle, concurrence déloyale, fiscalité punitive… De leur côté, les Chinois se plaignent d’un manque d’ouverture des marchés américains, liés, selon eux, à des contraintes archaïques et un manque d’ouverture. Les contentieux sur le plan géopolitique sont encore plus nombreux. Au niveau mondial, les réticences de la Chine à l’ONU -allant jusqu’au veto- vis-à-vis de souhaits américains privent de légitimité certaines velléités d’action. Dans le domaine régional, le pivot américain s’est mis en place et il passe mal. Face aux volontés conquérantes de Pékin en Mer de Chine orientale et en Mer de Chine du Sud, les Etats-Unis ont multiplié les mises en garde, consolidé leur présence militaire et renforcé leurs liens avec leurs alliés traditionnels. Mais ils ont aussi créé de nouveaux rapports avec les pays de l’ASEAN, y compris avec le Vietnam qui, par crainte des actions chinoises, se rapprochent de Washington. Globalement, la montée en puissance militaire de la Chine et le manque de transparence dans laquelle elle se déroule sont aussi des sources de contentieux. Pour y répondre, Pékin reprend en permanence le discours selon lequel sa politique est essentiellement défensive et que ce qui est perçu comme des revendications impérialistes n’est en fait que la concrétisation d’une légitimité. On n’oubliera pas que Taïwan est actuellement en campagne électorale et que celle qui semble avoir les meilleures chances de devenir Présidente est considérée comme indépendantiste. Elle est très peu appréciée par Pékin et la tentation d’influer sur les élections taïwanaise existe certainement. Ce type d’interférence avait, par le passé, provoqué de fortes tensions entre les US et la RPC.

Barack Obama est désormais en fin de course et le futur résident de la Maison Blanche pourrait adopter une politique différente vis-à-vis de la Chine. Pourquoi se rencontrer maintenant ? Des accords peuvent-ils vraiment être conclus ?Depuis des années, la Chine et les Etats-Unis ont besoin l’un de l’autre. La rencontre actuelle, plusieurs fois différée, est donc naturelle. Dans un cadre économique et politique qui semble se dégrader à l’intérieur de son pays, Xi a besoin de montrer à sa population qu’il est l’égal du Président de la première puissance mondiale. Sur un plan plus pratique, il lui faut aussi rassurer les Etats-Unis, où l’on voit certains candidats aux Présidentielles afficher des positions très hostiles à Pékin. C’est indispensable pour continuer à bénéficier des investissements américains et des transferts de technologies associés. Mais aussi pour pouvoir éviter tout ce qui pourrait prendre la forme d’un boycott plus ou moins affiché des produits chinois. Obama a sans doute beaucoup moins à gagner à titre personnel, mais il peut rendre service à son camp politique en devenant l’homme qui a désamorcé les tensions en Mer de Chine et qui a permis à des entreprises américaines de bénéficier d’une meilleure ouverture du marché chinois.

Finalement, que faut-il attendre de cette visite d’Etat ? Traduit-elle une volonté de rapprocher la Chine de l’Occident, ou s’agit-il uniquement d’assurer ses appuis économiques (comme les investissements américains) pour Xi-Jinping ?
Hormis des déclarations d’intention, qui pourraient quand même prendre la forme d’une déclaration sur un code de conduite en Mer de Chine du Sud, il paraît difficile d’envisager des mesures concrètes de grande envergure, en dehors des annonces commerciales. Le sujet des droits de l’homme et des libertés individuelles sera aussi cité, même si, dans les faits, il sera évacué en dehors de quelques cas individuels. Mais cette visite est une bonne occasion de confronter plusieurs images du Président chinois. Celle de l’homme fort, qui règne de manière absolue à la fois sur l’Etat, le Parti et l’Armée. Celle d’un Président qui, pour calmer les fortes dissensions au sein même des trois piliers de la nation, doit faire diversion en utilisant les ficelles de la lutte anti-corruption et celles du nationalisme. Et celle du pragmatique, sincèrement désireux de se rapprocher de l’Occident et de faire de la Chine un pays respecté car respectueux de l’ordre international et capable de prendre ses responsabilités.
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