ANALYSES

L’Arctique, nouvelle conquête de « l’Ouest » !

Presse
31 août 2015
Interview de Bastien Alex - TV5-Monde.com
Barack Obama vient d’entamer une visite en Alaska, « 49ème » Etat des Etats-Unis, pour y mener, à trois mois de la Conférence de Paris, « sa » bataille contre le réchauffement climatique. L’Arctique et ses profondeurs semblent bien être le nouveau territoire où il faut être, mais pour quelles raisons? Rencontre avec Bastien Alex, chercheur à l’IRIS sur les questions climatiques et énergétiques.

Barack Obama est-il crédible en défenseur de l’environnement, après avoir il y a quelques semaines, autorisé le groupe Shell à reprendre ses forages en profondeur, contre l’avis des organisations de défense de l’environnement ?
C’est contradictoire dans une certaine mesure. On peut considérer qu’il est un peu opportun de venir ainsi rebaptiser le Mont MacKinley (baptisé ainsi en l’honneur du 25ème président des Etats-Unis et cela, contre l’avis des habitants NDLR) et de rappeller l’importance de la conférence COP21 et de l’accord qui y sera peut-être signé. Barack Obama reste le président de la première puissance économique mondiale et il considère qu’il est important pour son pays de sécuriser son indépendance énergétique. Il voit les deux aspects du problème. Barack Obama n’est pas dirigeant d’une ONG, il est réaliste ! En tant que président américain, même si cela peut être qualifié de jeu d’équilibriste, ce n’est pas très surprenant qu’il tienne ces deux positions.

Par le passé, on a joué aux apprentis sorciers dans le domaine de l’exploitation des ressources énergétiques, peut-on imaginer une exploitation aujourd’hui propre et sans risque pour l’environnement, par exemple en Arctique ?
Oui et non. Toute exploitation des ressources aura toujours un impact sur l’environnement. On peut le réduire au minimum, éviter de reproduire ce qui a été fait pendant les premiers temps de la révolution énergétique mais on n’est pas à l’abri d’une catastrophe comme celle de la plateforme du Golfe du Mexique en 2010. Si un tel accident se produisait en mer arctique, on sait que l’impact serait encore plus important car il serait encore plus difficile de traiter le problème. On peut minimiser les risques, mais il n’y aura pas de risque zéro. Mais de toute façon, une exploitation propre d’hydrocarbures, ça n’existe pas !

Outre l’aspect écologique, il y a l’aspect économique. On assiste depuis quelques années à un véritable engouement pour cette région arctique, que l’on sait riche en ressources. Peut-on parler de nouvel Eldorado ?
C’est évidemment lié à l’accessibilité grandissante de la région. Il y a évidemment beaucoup de ressources, en hydrocarbures, en minerais, des ressources halieutiques, (ressources vivantes aquatiques NDLR), et l’exploitation des routes maritimes. Tout cela attire bien-sur des convoitises! Le terme d’Eldorado n’est pas exagéré. En même temps, ce n’est pas forcément encore très évident d’exploiter toutes ces ressources dans cette région.

Peut-on chiffrer ces ressources ?
Nous n’avons pas de chiffres extrêmement fiables. Les derniers chiffres qui circulent sont basés sur l’étude de l’Institut géologique américain de 2008, selon lesquels l’Arctique renfermerait 30% des réserves mondiales de gaz naturel et 13% des ressources pétrolières « non prouvées », ce qui veut dire qu’il s’agit d’estimations. Il faut réaliser des forages pour en être sur, ce qui n’est pas acquis aujourd’hui.

On évoque aussi cette nouvelle route maritime du Nord, liée à la fonte de la banquise? Est-elle réellement exploitable ?
A terme cela pourrait être en effet très intéressant de rejoindre l’Asie par l’Arctique, mais pour l’instant l’utilisation de cette voie reste dérisoire en comparaison aux autres routes, comme le détroit d’Ormuz, de Malacca ou via le canal de Suez.

Cette nouvelle route n’est-elle pas finalement le résultat de l’action de l’homme, du réchauffement climatique qui a fait fondre les glaces arctiques et elle deviendrait une nouvelle source de richesse commerciale ?
Cette évolution est inévitable, donc même s’il y avait un sursaut incroyable des gouvernements pour limiter le réchauffement climatique on ne pourrait pas « reglacer » la banquise !

Pour gérer cette région, pourrait-on imaginer sur le modèle de l’UE, une Union des pays de l’Arctique ?
Il existe déjà le Conseil de l’Arctique qui rassemble les Etats riverains (8 Etats membres, Canada, Danemark, Etats-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède) et d’autres Etats proches ou observateurs, mais c’est une instance qui pour l’heure n’a pas véritablement de pouvoir décisionnaire, il s’agit plus d’un espace de coopération, d’échanges et de discussions. Cela reste de l’ordre du conseil consultatif.
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