ANALYSES

Ecoutes de la NSA : « Un acte de profonde défiance »

Presse
25 juin 2015
Que nous disent les révélations sur l’espionnage des différents locataires de l’Elysée par l’agence de renseignement américaine?
Elles sont révélatrices d’une volonté américaine de percer les processus de décision français. Nous avons ici affaire à une intention claire et nette d’espionnage de ce que les dirigeants français ne souhaitaient pas révéler aux Américains. C’est tout sauf le geste d’alliés lovaux.

Pourquoi l’exécutif français est-il resté silencieux face aux révélations successives sur les écoutes ces dernières années ?
Dans le fond, il existait une volonté de ne pas mettre d’huile sur le feu et de ne pas gêner la relation avec le président Obama concernant des actes commis avant sa prise de pouvoir. Dans le même temps, l’opinion française ne s’est pas plus indignée que cela, contrairement à ce qu’il a pu se passer en Allemagne ou au Brésil, où la présidente Dilma Rousseff a annulé une visite d’État à la suite des premières révélations d’Edward Snowden. Le fait qu’une réunion du conseil de défense ait été décidée dans l’urgence, hier matin, montre qu’il n’est plus possible de faire comme si de rien n’était. Nous ne faisons pas simplement face à de mauvaises manières. Il faudra une réaction plus forte de l’exécutif français afin de ne pas se contenter d’une vague promesse américaine assurant que tout ceci ne se reproduira plus.

Est-ce à dire que la France a cédé sur la question de sa souveraineté ?
Si la France avait elle-même tenté d’espionner le président américain et d’intercepter les conversations avec son entourage proche, il eût été étonnant que la Maison-Blanche balaye cela d’un revers de main et nous assure de son amitié. Il y a une claire volonté de percer le processus de décision au plus haut niveau et d’entrer dans l’intimité de l’exécutif contre son gré.

D’autant que les écoutes de la NSA n’ont pas cessé avec le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan.
C’est vraiment cette idée de ne pas considérer la France comme un partenaire loyal et égal. C’est la preuve d’un manque de confiance patent, un acte de profonde défiance car le principe des écoutes est de surveiller les personnes en qui on ne place que peu de crédit au-delà de la garantie de la promesse d’alliance.

Cela signifie-t-il qu’il faut revoir la relation transatlantique?
Oui, parce que cette affaire montre également que, dans l’esprit des Américains, ces derniers sont au fond plus responsables que les Européens. Ils savent mieux que leurs partenaires ce qui est bon pour la maison commune occidentale. Ils traitent en quelque sorte les pays européens comme des acteurs mineurs et ceci est ancré dans l’ADN des États-Unis et de l’Europe. Et c’est cet ADN là qu’il faut précisément changer pour avancer vers une relation plus équilibrée et égalitaire. Les Américains n’y sont pas habitués. Et encore, nous risquons, après l’élection présidentielle américaine de 2016, d’avoir un chef d’État moins ouvert que n’a pu l’être le président Obama !

Ces révélations auront-elles des conséquences sur les négociations en cours dans le cadre du traité transatlantique ?
Très certainement, et pas seulement en France. En Allemagne, par exemple, on observe un rejet de ces négociations par une partie de l’opinion, car le problème des écoutes est encore plus sensible outre-Rhin du fait du passé. On peut effectivement penser qu’il sera très difficile de croire aux promesses américaines après cela.
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