ANALYSES

Le monde, sa santé, sa réalité… et ses idées reçues

Presse
11 juin 2015
Interview de Pascal Boniface - TV5-Monde
Outre le football et l’œuvre de Léo Ferré, Pascal Boniface a deux grandes passions : comprendre et transmettre. Le Directeur de l’Institut de relations internationales stratégiques (IRIS) et créateur des Géopolitique de Nantes publie un ouvrage étonnant : 50 idées reçues sur l’état du monde(Editions Armand Colin).

Pourquoi un livre sur les idées reçues ?

J’en avais un peu assez d’entendre des choses qui circulaient, qui me paraissaient inexactes mais qui avaient un certain corps et qui étaient reçues par une certaine partie du public. Dans les conversations avec des étudiants, dans ce que je pouvais entendre à la radio ou à la télé, et où véhiculait ce qui me paraissait être des idées reçues, facile à démontrer… Donc, c’était à la fois un souci pédagogique et un souci de remettre un peu « le cadre à l’endroit » par apport à des choses qui me paraissaient fausses.

– On dit que les français ont très peu d’appétence pour l’actualité internationale ?

Non, c’est même le contraire. Je peux voir des exemples tout à fait différents. Les étudiants sont extrêmement intéressés par ces questions-là. et le grand public aussi. Cela me parait être une vision parisienne des choses, avec une sorte de mépris pour les gens. Je fais beaucoup de conférences en région et il y a du monde. A partir du moment où l’on parle simplement des choses et où on ne jargonne pas, les gens s’intéressent aux questions internationales. Le public à d’abord un petit peu d’appréhension. Mais on peut parler des choses de façon simple sans les simplifier et sans faire de simplification. C’est le grand défi. Par exemple, dans le cadre des Géopolitiques de Nantes, cet événement que nous organisons chaque année, eh bien l’année dernière 5 000 personnes sont venues pour écouter des débats sur des sujets d’actualité. Donc, au contraire, il y a un réel goût du grand public concernant les questions internationales. Il suffit de sortir des frontières du 7ème arrondissement (quartier chic et de réputation snob de Paris, ndlr) pour s’en rendre compte.

– Au chapitre « Islam et démocratie » on retient que seule la Tunisie aujourd’hui pourrait servir de « pays modèle ».

Pour les pays arabes. Sinon l’Indonésie et la Turquie dans les difficultés. En fait, c’est une question d’étape historique. Il y a quelques années, on disait que l’Afrique était « impropre à la démocratie ». Il y a quelques années également, on disait que l’Asie, de part le confucianisme, ne pouvait pas avoir de régime démocratique. Or, depuis, des régimes parfaitement autoritaires et répressifs comme la Corée du Sud et Taïwan sont devenus totalement démocratiques avec des contres-pouvoir importants et une société civile vibrionnaire. Donc, un peu partout dans le monde, les peuples et les sociétés civiles se réveillent mais il y a un temps historique et l’évolution n’est pas la même, à la fois en fonction du PIB, du taux d’alphabétisation et en fonction de l’ADN propre à chaque pays.

C’est ce que vous rappelez assez régulièrement dans votre livre. En France, la liberté n’est pas venue après la révolution en 1789, elle s’est construite après, notamment, des épisodes de terreur. Et aujourd’hui, nous serions presque dans une impatience pour les autres Etats, quand ce n’est pas un désenchantement..

C’est aussi le temps médiatique qui veut cela.Nous sommes toujours dans l’urgence, dans l’immédiateté, la réactivité absolue. On a demandé aux pays arabes de faire en quelques mois, voire quelques semaines, ce que nous même avions fait en plusieurs décennies, si ce n’est plusieurs siècles. C’est donc à la fois par manque de recul historique mais aussi du fait que l’actualité est de plus en plus rapide et que cette réactivité, qui peut avoir des bonnes ondes, qui peut être positive a pour inconvénient, peut-être, de manquer de recul, de remettre en perspective des choses. C’est ce que j’essaye de faire dans ce livre.

Le plus grand vecteur de clichés aujourd’hui, c’est quoi ? La télévision ?

Pas plus que les conversations entre les personnes parce qu’en fait, il y a une circulation de l’information qui est faite et internet véhicule autant de clichés qu’il n’en détruit. Et les conversations entre voisins également. Non, ce qui est certainement le plus grand propagateur de clichés, c’est l’absence de recul et le fait de répondre rapidement sans essayer de comparer et de restituer dans un contexte plus global et un peu plus profond chaque événement.
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