ANALYSES

Israël-Palestine : « Le conflit qui déchaîne les passions »

Presse
5 février 2015
Directeur de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), Pascal Boniface est l’invité, ce soir, de l’association Agir pour la Palestine. Spécialiste du conflit israélo-palestinien, il animera, à partir de 18 h 30 à la salle Henriet-Rouard, une conférence dans la droite ligne de son ouvrage La France malade du conflit israélo-palestinien, paru en 2014.

L’été dernier, durant les bombardements à Gaza, on a craint une importation du conflit israélo-palestinien vers la France. Or, vous avez déclaré que le conflit était déjà là…
Il est vain de dire qu’il ne faut pas importer le conflit, il est déjà importé. Des gens se revendiquent d’une solidarité avec Israël, d’autres avec la Palestine et les positions des uns et des autres sont très tranchées. L’enjeu, c’est d’en limiter les effets négatifs et de faire que ce conflit n’ait que des répercussions en termes de débat démocratique et républicain en France, qu’il ne se transforme pas en violences, en insultes.

Quels seraient les symptômes de cette maladie en France ?
Ce conflit n’est pas le plus important, celui qui fait le plus de victimes dans le monde, mais on voit bien que c’est celui qui suscite le plus de passions, parfois au-delà du rationnel. Des gens qui étaient amis ne se parlent plus, des familles sont déchirées de l’intérieur par des analyses contradictoires du conflit.

Comment expliquer ces tensions en France autour du conflit israélo-palestinien ?
La France héberge les plus importantes communautés juives et musulmanes d’Europe. Elle a également toujours eu un regard à 360° sur les questions internationales, elle s’y mêle un peu plus. Il y a aussi les souvenirs de Vichy, de la colonisation, de la décolonisation. Actualité et mémoire historique s’entrechoquent.

Au Royaume-Uni, qui a sa part de responsabilité dans le conflit, le député George Galloway prend des positions assez radicales en faveur des Palestiniens, sans déclencher d’énorme polémique.
On n’imagine pas l’équivalent d’un Galloway en France. Ou alors il serait marginal, voire rejeté. Il n’y a pas eu Vichy en Angleterre, la trace historique n’est pas la même. Les responsabilités de l’exportation du conflit sont plus le fait des Britanniques que du nôtre, même s’ils n’ont pas tous les torts.

La France, si elle est « malade », doit-elle, plus que d’autres nations, tenter d’influer sur les négociations de paix ?
La France a toujours eu un rôle majeur et actif. C’est moins vrai depuis 2005, lorsqu’elle a cessé de vouloir jouer un rôle moteur. Mais il faut se rendre à l’évidence : la France seule ne peut rien faire. Personne n’est assez puissant pour imposer la paix, pas même les États-Unis. Mais elle peut être une force de proposition. C’est ce qu’elle a fait avec sa résolution de reconnaissance de la Palestine, proposée à l’ONU, pour rendre plus conciliables les points de vue israéliens et palestiniens.

La montée des actes antisémites et islamophobes dans le pays est-elle spécifiquement liée avec le conflit ?
L’importation du conflit joue sur les tensions intra-comunautaires mais il y a beaucoup d’autres facteurs qui entrent en compte.

Est-il possible de critiquer la politique Israël sans être accusé d’antisémitisme ?
Certains le font systématiquement. Mais si l’on critique la politique chinoise au Tibet on n’est pas accusé de racisme anti-chinois, si on critique la politique de Poutine en Ukraine on n’est pas accusé de faire du racisme anti-russe. Certains secteurs assimilent systématiquement la critique politique du gouvernement israélien, comme on peut le faire à l’égard de 193 gouvernements dans le monde, à une conception antisémite.

Le CRIF ou la LICRA dénoncent la montée de l’antisémitisme en France qui expliquerait le départ de nombreux Juifs de France vers Israël, qu’en pensez-vous ?
C’est une des raisons de ces départs, mais pas la seule. On voit que de plus en plus de Français partent à l’étranger, du fait de la mondialisation. Pour de plus en plus de Français, partir à l’étranger est un plus. Il y a plus de Français juifs qui partent en Israël, mais il y a plus de Français, globalement, qui partent à l’étranger.
Ceci étant, il y a une peur spécifique ressentie par les juifs, même si globalement, les préjugés antisémites ont diminué dans la société, force est de reconnaître qu’en janvier, des Français ont été tués uniquement parce qu’ils étaient juifs.

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