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Boko Haram : pourquoi la question d’une action de la France se pose

Presse
21 janvier 2015
Comment est né Boko Haram?
On parle aujourd’hui de Boko Haram mais cette secte islamiste existe depuis 2002. Elle a été fondée par Mohamed Yusuf, un prédicateur né dans les années 1970. Cet homme a grandi dans le nord du Nigéria, une partie du pays très sous-développée. Mohamed Yusuf a été marqué par la pauvreté. On suppose qu’il a pu lui-même être endoctriné par des islamistes qui évoluaient dans cette localité et qu’il aurait pris le relais ensuite. Son objectif était d’enrôler un maximum de personnes, notamment des jeunes désoeuvrés, dans sa secte religieuse, qui prône un islamisme radical et rejette l’impérialisme occidental.

Que s’est il passé ensuite? Comment Boko Haram est entré en insurrection?
Tout a basculé en juillet 2009 lorsque Mohamed Yusuf décède. Boko Haram est alors repris par Abubakar Shekau et se radicalise très fortement. Peut-être que si Mohamed Yusuf n’était pas mort, le mouvement ne serait pas ce qu’il est devenu car son fondateur était certainement moins agressif, moins virulent. Il avait le profil d’un enseignant. Il n’aurait peut-être pas radicalisé son mouvement…
Toujours est-il que la secte a militarisé son action à partir de 2009. Boko Haram s’est doté d’une véritable capacité de nuisance au Nigéria. Pour prospérer, le mouvement a notamment profité d’une grande porosité des frontières, de l’absence de contrôle territoriale et de la corruption qui gangrène l’armée nigérienne. Il a ainsi pu capter une part des ressources naturelles de la zone pour se financer de manière autonome en parallèle du soutien d’organisation salafistes. Par ailleurs, le chaos en Libye, suite à la guerre menée pour faire tomber Mouammar Kadhafi, a permis à Boko Haram de ramener de nombreuses armes.

Boko Haram compte combien de membres?
Il n’existe pas de chiffres exacts mais on estime entre 3.000 et 4.000 le nombre de combattants et de 30.000 à 40.000 les membres.

Quel est le profil de son chef de fil Abubakar Shekau?
Il est originaire du nord-est du Nigéria, dans un village à la frontière du Cameroun. Il a donc pris la relève en 2009 et a pris le contrôle de cette partie du pays où règne désormais la charia islamique. Il a toujours revendiqué une sortie du fédéralisme nigérian. Selui lui, les musulmans modérés n’ont rien compris. Il ne considère pas qu’il tue les siens mais qu’il assassine des personnes qui ne respectent pas l’Islam. Ils tuent également des chrétiens car ils n’adhèrent pas à son mouvement.

Comment expliquer la multiplication des exactions sanglantes ces dernières semaines?
C’est vrai qu’il y a une escalade dans la terreur. Elle est liée à l’organisation le 14 février des élections présidentielles. Boko Haram veut décrédibiliser le pouvoir central en place et anticiper une mobilisation régionale contre lui.

Combien de personnes ont été victimes de Boko Haram?
La secte a fait 13.000 morts et 1,5 million de déplacés.

Les pays voisins, de plus en plus menacés par Boko Haram, commencent à se mobiliser. Est-ce trop tard?
Oui, cette aide arrive trop tard. Mais il fallait quand même qu’elle arrive. Je pense que cette mobilisation au niveau régional peut permettre de neutraliser Boko Haram sur le plan militaire. Mais ensuite il faudra s’attaquer à l’idéologie. Il y aura un vrai rôle à jouer de la part des imams et des autorités religieuses pour contrer l’islamisme radical. Cela passera également par l’amélioration des conditions de vie de la population dans la région. Boko Haram s’est déployé dans une région très pauvre car c’était justement un terreau favorable à l’endoctrinement.

Faut-il que la réponse à Boko Haram soit seulement régionale?
C’est une question qui mérite d’être posée. Selon moi, la réponse, pour être efficace, doit être impérativement régionale. Car Boko Haram est monté dans l’escalade de la terreur parce qu’il a pu utiliser les pays voisins comme base arrière. Il faut donc que le Tchad, le Cameroun et le Niger se mobilisent. Ensuite, on peut imaginer un redéploiement de l’opération Barkhane (ndlr: menée par l’armée française au Sahel pour lutter contre leterrorisme depuis Ndjamena au Tchad) pour renforcer les troupes au sol.
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