ANALYSES

« L’unité des chrétiens doit permettre la paix et l’unité de l’humanité »

Presse
1 décembre 2014
Interview de Nicolas Kazarian - La Croix

Cette rencontre entre le pape François et le patriarche Bartholomeos Ier est-elle historique?


Cette rencontre s’inscrit dans le prolongement de ce qui avait été initié en 1969 par le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, après plus d’un millénaire de séparation.


Elle renforce les relations mutuelles entre les deux Églises et est aussi une façon pour le pape François de rendre la pareille au patriarche de Constantinople qui s’est déjà rendu plusieurs fois au Vatican.


Est-ce la première fois qu’un pape catholique reçoit la bénédiction d’un patriarche de Constantinople??


Si l’on est attentif à la scène, on constate que le pape a demandé au patriarche de prier pour lui, pour le soutenir dans sa mission, comme il l’avait fait déjà à Jérusalem en baisant la main du patriarche Bartholomeos en signe de respect.


Le patriarche semble avoir été pris de court par cette demande?: il a embrassé le pape François sur le front, comme on le ferait pour un membre de sa famille. J’y vois donc plus un signe d’affection. Non que le patriarche Bartholomeos ne veuille pas bénir sa personne, mais il semble avoir trop de respect pour sa fonction.


Cette démarche de la part du pape François, comme il l’avait fait le soir de son élection en demandant à la foule place Saint-Pierre de prier pour lui, montre qu’il vit son ministère dans la communion avec les fidèles et dans une relation d’égal à égal. Il ne se considère pas supérieur à l’Église, mais bien comme un membre de l’Église.


S’agit-il aussi d’égalité avec le patriarche de Constantinople?


Oui, pour avancer dans une perspective d’unité entre catholiques et orthodoxes, la grande découverte des années 1960 a été la relation de fraternité. Depuis cette époque, les Églises ont appris à se dire « sœurs ».


Quand le pape de Rome dit « priez pour moi dans ma mission », il met en condition le patriarche de Constantinople pour que celui-ci lui réponde favorablement. Car le pape François l’a dit?: « l’unique chose que désire l’Église catholique, c’est la communion avec les Églises orthodoxes ».


Les deux discours du pape et du patriarche qui ont été prononcés au Phanar à l’issue de la Divine Liturgie sont extrêmement forts. Les deux hommes, en effet, se rejoignent dans leur attention pour les générations à venir, et sur le regard qu’ils posent sur les situations de souffrance.


À partir de cette souffrance partagée actuellement par tous les chrétiens d’Orient, peut se construire et se renforcer l’unité des Églises. En disant cela, les deux responsables d’Église visent l’unité non seulement des chrétiens mais de toute l’humanité, dans la paix et la coexistence, par le dialogue.


Sur ce chemin vers « la pleine communion » entre les Églises orthodoxe et catholique, quelles pourraient être les prochaines étapes?


Cela passe par un approfondissement théologique, en particulier du côté orthodoxe où il y a encore beaucoup à faire ad intra. La question de la primauté, notamment, doit être travaillée car les interprétations diffèrent entre Constantinople et Moscou. Le concile panorthodoxe prévu pour 2016 permettra sans doute de trouver un consensus théologique.


Cela passe aussi par la question écologique?: le patriarcat de Constantinople, qui a été pionnier en ce domaine, est en train d’être rejoint par le pape François. En ce sens, sa prochaine encyclique, attendue pour 2015, fera certainement date. L’écologie est un thème approprié pour faire avancer le dialogue œcuménique.