ANALYSES

La morosité économique va-t-elle pousser les électeurs à « sanctionner » Rousseff ?

À deux jours d’une élection présidentielle très attendue et très disputée au Brésil, Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Iris et spécialiste de la question espagnole et latino-américaine, répond aux questions de L’Orient-Le Jour.


Quels sont les enjeux majeurs de l’élection présidentielle brésilienne ?


C’est une élection tout à fait naturelle, étant donné que le Brésil se trouve dans une normalité démocratique. Les électeurs ont donc le choix entre trois candidats : la présidente sortante de gauche Dilma Rousseff, le social-démocrate Aecio Neves et l’écologiste Marina Silva. L’enjeu est banal, il s’agit simplement de renouveler un président. La seule incertitude réside dans le résultat à la lumière de la situation économique. Au début du premier mandat de Dilma Rousseff, le pays a connu une croissance de 7 à 8 %. Aujourd’hui, la croissance est inférieure à 1 %. Est-ce que la morosité économique ambiante va pousser les électeurs à « sanctionner » Dilma Rousseff ? Ce n’est pas sûr, surtout que Marina Silva est difficile à classer. Elle a quitté le parti de Mme Rousseff, le Parti des travailleurs (PT), en 2010 pour être candidate écologiste. Cette année, elle est socialiste, membre de l’Église évangéliste, et prône des valeurs traditionnelles, à l’encontre donc du mariage pour les personnes du même sexe ou de l’interruption de la grossesse.


Marina Silva a-t-elle une chance de remporter l’élection présidentielle ?


Non, et parce que justement elle s’appuie sur des segments électoraux divers, dont l’on pourrait dire qu’ils sont en contradiction. Elle n’a pas de réseau d’appuis forts, à part les églises et les pasteurs évangélistes. C’est un appui intéressant, mais cela aura pour conséquence la perte d’électeurs de gauche. En cas de second tour, elle pourrait avoir besoin de la droite, du parti PSDB donc. Elle a déjà fait un pas en ce sens, s’éloignant toutefois de ses origines plus de gauche. Malgré un parcours exceptionnel un peu comme Cendrillon – en tant que métisse analphabète devenue ministre notamment –, son image a changé quand il a fallu passer de l’image à l’action. Elle a dû changer certaines choses dans son discours, heurtant à chaque fois une partie de son électorat. Elle se retrouve dans une dynamique décroissante, et aujourd’hui, dans les sondages, elle est loin derrière Dilma Rousseff.


Que reprochent notamment les Brésiliens à Dilma Rousseff ?


La situation économique. Dans les années 2005-2006, les Brésiliens se sont habitués à une forte croissance. Les pauvres ont eu un coup de pouce, mais maintenant ils se retrouvent bloqués, et c’est le reproche principal fait à Mme Rousseff. La classe moyenne également souhaite une amélioration socio-économique, notamment au niveau des transports et de la santé, alors que le gouvernement s’était déjà engagé à de fortes dépenses à l’époque du Mondial, avec la construction de stades sportifs, etc. La population se trouve actuellement dans une situation de frustration.

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