ANALYSES

Carton jaune à Nicolas Sarkozy

Presse
4 juillet 2010
Pascal Boniface - Le Monde

Président de la République, ministre de la santé et des sports, secrétaire d’Etat aux sports, parlementaires… les différents responsables politiques n’ont pas hésité à s’approprier cette grande cause nationale qu’est devenue l’équipe de France, et plus largement le football français. Après le choc émotionnel qu’ont suscité la défaite sportive et le désastre moral dû au comportement des joueurs et du sélectionneur en Afrique du Sud, chacun a voulu intervenir.


Dans un pays qui comporte plus de 6o millions de sélectionneurs, n’est-il pas normal que les politiques participent à ce jeu-là ? On s’est trop longtemps plaint de leur désintérêt, pour ne pas dire de leur mépris pour le sport, pour ne pas se féliciter qu’ils s’y intéressent directement Ils se sentent concernés par ce qui touche les citoyens qu’ils représentent.


En fait, on doit faire la distinction entre les différentes réactions. Il y a des politiques qui s’intéressent réellement au sport et qui, en bons supporteurs, essaient de faire en sorte que ce scénario catastrophe ne se renouvelle pas. Il y a ceux qui essaient simplement de suivre le mouvement et de faire parler d’eux à travers un événement hautement médiatisé. Que penser du comportement de ce parlementaire qui a " twitté " en direct l’audition de Jean-Pierre Escalettes et de Raymond Domenech ? Il est vrai qu’il a eu l’honneur des médias pour la première fois de sa vie parlementaire. Mais est-il bien placé pour parler de morale ?


Il y a cependant des limites très nettes à l’interférence des responsables politiques. Qu’ils veuillent être informés, rien de plus normal. Que certains veuillent se faire mousser à bon compte n’est pas non plus exceptionnel. Mais qu’ils souhaitent se mettre à gérer en direct les affaires sportives, et ils subiront une contre-attaque décisive de la FIFA. Celle-ci ne plaisante pas avec l’indépendance des instances sportives vis-à-vis des institutions politiques. Après les déclarations de Nicolas Sarkozy, la FIFA a sorti un carton jaune en rappelant la stricte nécessité de l’indépendance du pouvoir sportif. Le message a été entendu par l’exécutif, qui a publiquement renoncé à toute idée d’ingérence, pour se contenter d’une posture de préoccupation et de soutien.


Que le gouvernement essaie de choisir le nouveau président de la fédération française, et les Bleus risquent une exclusion des compétitions internationales par la FIFA. Cette dernière a une autorité qui s’impose à tous. Elle l’a déjà exercée dans le passé, pour des raisons similaires, à l’égard de sélections africaines Elle pourrait avoir à cœur de démontrer que, contrairement à d’autres institutions internationales, elle ne pratique pas le " deux poids, deux mesures ", et qu’elle est aussi sévère avec les grandes nations qu’avec les petites sélections. Les Etats-Unis peuvent ne pas respecter les résolutions de l’ONU. Ils ne peuvent pas ignorer l’autorité de la FIFA.

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