ANALYSES

« Il y a un risque de contagion au Maghreb »

Presse
15 janvier 2011
Pascal Boniface - Le Parisien

Pour Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), le soulèvement du peuple tunisien risque d’avoir des effets dans les autres pays du Maghreb.



Ce soulèvement en Tunisie peut-il se propager dans les autres pays du Maghreb ?


Il peut y avoir un risque de contagion par mimétisme. Les trois pays du Maghreb ont en commun un sentiment d’injustice, de blocage et d’usure du régime. En Tunisie comme en Algérie ou au Maroc, la jeunesse est éduquée et ouverte à l’international. C’est le succès de ces régimes qui ont formé leurs jeunesses… et c’est cela qui pose problème. Ces jeunes comparent, demandent des comptes. Les perceptions d’injustices sociales qui auraient pu être acceptables dans un pays peu développé deviennent insupportables.



L’Algérie vient d’être secouée par des émeutes. La chute de Ben Ali peut-elle avoir une influence dans ce pays?


Cela pourrait inspirer les Algériens. L’Algérie sort toutefois d’une longue guerre civile et profite d’un peu de répit. Même si des difficultés avec le pouvoir existent, il y a quand même la peur, dans la population, de retomber dans des ornières qui ont déjà coûté très cher. Mais le pouvoir algérien doit observer avec beaucoup d’attention ce qu’il se passe en Tunisie.



Qu’en est-il au au Maroc?


La monarchie aussi doit surveiller cela de près, même s’il y a plus de liberté et d’ouverture au Maroc. Le royaume est moins sensible pour le moment, car le sentiment d’injustice et les velléités de contestation y sont moins répandus. Mais le cas tunisien constitue une sorte de signal d’alerte pour ses voisins du Maghreb.



Cela incitera-t-il Alger et Rabat à modifier leur façon de gouverner?


Si la jeunesse tunisienne parvient à renverser le régime de Ben Ali, les dirigeants des autres pays vont forcément se demander « Pourquoi pas nous? ». L’intérêt des Marocains et des Algériens est d’en tenir compte pour éviter d’être pris dans la même tourmente. Prendre des mesures de justice sociale, envoyer un signal à la jeunesse pour lui indiquer qu’ils ont compris le message…



Au-delà du Maghreb, y a-t-il un risque d’effet domino dans le monde arabe?


Dans les pays du Golfe, il n’y a pas de telles revendications sociales. L’opulence de ces pays les a mis à l’abri de ce genre de contestation. En revanche, à bien des égards, l’Egypte se trouve dans une situation comparable avec la Tunisie. Là aussi, le pouvoir est vieillissant. La perception des inégalités devient de plus en plus insupportable pour une grande partie de la population. Dans ce pays, il y a les ingrédients qui pourraient rendre une révolte du même type possible. La situation est dangereuse aussi en Jordanie.

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