ANALYSES

Maroc : « La France n’était pas directement visée »

Presse
29 avril 2011
Kader Abderrahim - LE JDD.fr

L’attentat, qui a eu lieu jeudi contre un café de la place Jemâa el-Fna à Marrakech, n’a toujours pas été revendiqué. Joint par leJDD.fr, le spécialiste du Maghreb Kader Abderrahim, chercheur à l’Institut de Relations internationales et Stratégiques (Iris) et professeur à la California University, estime qu’il est encore "trop tôt" pour tirer des conclusions.


Faut-il voir la signature d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) derrière cet attentat?

C’est effectivement l’une des hypothèses. Mais, pour le moment, il n’y a eu aucune revendication. Et jusqu’à présent les attentats qui ont été commis au Maroc étaient surtout reliés à des réseaux marocains, notamment le GICM (Groupe islamique combattant marocain, ndlr). Après, c’est vrai qu’il ne faut pas non plus complètement exclure la piste d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Surtout que sur la forme, il n’y a globalement pas beaucoup de différences entre la manière dont opère Al-Qaïda et celle d’autres groupes, qu’ils soient basés au Maroc, en Tunisie, en Libye ou en Egypte.


Pourquoi les terroristes s’en sont-ils pris au Maroc?

Les terroristes profitent souvent du fait qu’il est très difficile de maintenir une vigilance constante. Il semblerait que le Maroc ait un peu baissé la garde ces derniers temps. Le porte-parole du gouvernement lui-même a précisé que le pays n’avait pas reçu de menaces particulières. Ceux qui ont commandité et exécuté cet attentat ont en tout cas fait d’une pierre deux coups. L’objectif était double: fragiliser le régime et déstabiliser l’économie marocaine en la touchant au cœur et au porte-monnaie à travers Marrakech qui est emblématique. Quelle que soit l’identité des auteurs de l’attentat, il va y avoir des conséquences économiques importantes. Il ne faut pas oublier qu’en Tunisie, le départ du dictateur Ben Ali a entraîné une baisse de 50% du tourisme dans le pays. Je crois que pour le Maroc aussi, cela va être très difficile.


Quel était l’intérêt de viser le Maroc?

Il faut attendre la revendication de l’attentat. Il est trop tôt pour faire des analyses précises. Pour le moment, nous sommes réduits à des spéculations. Ce qui est sûr, c’est qu’avec un tel attentat, les terroristes se font entendre, font parler d’eux, et obtiennent un maximum de retombées médiatiques.


Faut-il y voir un lien avec les révolutions arabes?

L’attentat intervient clairement dans ce contexte. Après, je ne pense pas que ceux qui aujourd’hui manifestent au Maroc pour obtenir un Etat de droit et le respect des libertés individuelles et collectives, aient tout d’un coup décidé de basculer dans la violence terroriste. Ce n’est pas dans leur intérêt. Au contraire, ce sont eux qui risquent d’en faire les frais.


La France était-elle visée?

Non, je ne crois pas du tout. Frapper Marrakech, c’était évidemment chercher à toucher des étrangers et des occidentaux. La France constitue effectivement une grande part du tourisme marocain, donc proportionnellement, il y avait peu de chances que la France soit épargnée. Mais il y avait également des Russes, des Allemands, des Néerlandais… Je ne pense vraiment pas que la France était particulièrement visée. Si tel avait été le cas, les terroristes auraient visé le centre culturel ou le consulat de France. Là cela aurait été un message clair. Dans ce café de la place Jemâa el-Fna, il n’y avait pas de cible politique, simplement symbolique.

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