ANALYSES

«La mort de Ben Laden va servir les révolutions arabes»

Presse
2 mai 2011
Karim Pakzad - Les Echos
Près de dix ans après les attentats du 11 septembre, quelles sont les formes du terrorisme islamiste ?

Même si la menace n’a pas disparu, la majorité des observateurs et des services de renseignement occidentaux s’accordent pour convenir que le terrorisme islamiste ne s’est pas renforcé. Al-Qaida, en tant qu’organisation, capable de planifier des attentats comme ceux du 11 septembre, s’est largement affaiblie depuis quelques années. On le voit en Afghanistan ou depuis deux ans, la tendance est plutôt à la négociation. L’insurrection reste très extrémiste, mais elle n’est plus sous sa coupe. Il subsiste bien de petits groupuscules çà et là, et parfois quelques individus isolés commettent des actions terroristes isolées sous le label d’Al-Qaida pour se donner une certaine légitimité. AQMI [Al-Qaida au Maghreb islamisque, NDLR] est actif dans les pays sub-sahariens. Mais nous n’avons pas la preuve que Ben Laden ou son numéro deux, Ayman al-Zawahiri, aient donné leur bénédiction a ce mouvement. Il reste cependant une région où Al-Qaida est encore assez présent, c’est celle des zones tribales du Pakistan qui a a vu affluer les mouvements islamistes pakistanais quand Islamabad s’est allié aux Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme.


Qu’est-ce que la mort de Ben Laden va changer alors ?

Avec cette mort, il ne faut pas sous-estimer la victoire américaine. On l’a oublié aujourd’hui, mais la finalité première de la guerre en Afghanistan était la capture du fondateur d’Al-Qaida devant le refus des talibans de l’extrader. Pour Obama, qui l’a rappelé hier, c’est donc un grand succès, surtout dans la perspective des présidentielles. Au-delà, la disparition de Ben Laden va-t-elle changer fondamentalement la course de la guerre en Afghanistan ? Je ne pense pas, car ce n’est plus Al-Qaida qui mène la guerre. A ceci près qu’il reste à clarifier le rôle du Pakistan dans le raid : a-t-il collaboré ou non ? C’est un point important, car ce n’est un secret pour personne qu’une partie des services de renseignement d’Islamabad protégeait Ben Laden et son second. S’il s’avère que Ben Laden a été donné, alors cela pourra changer la donne en Afghanistan, où il n’y a pas d’issue possible sans le Pakistan.


Les révolutions arabes en Tunisie, en Egypte, ou encore au Yemen, ne sont-elles finalement pas la meilleure réponse au terrorisme ?

Si absolument. C’est d’autant plus important que les peuples arabes n’ont pas attendu le signal des pays occidentaux. Les événements montrent que la démocratie n’est pas le privilège des occidentaux et que les musulmans sont capables d’épouser des valeurs qu’on pensait comme uniquement occidentales. Je rentre de Tunisie et les gens que j’ai rencontrés sont profondément démocrates. Ils reprochent aux pays occidentaux, par leurs soutiens aux dictateurs sous couvert de lutte contre le terrorisme, de s’être retrouvés dans la situation qui les a amenés à se révolter. Ces révolutions sont une réponse au radicalisme car une grande partie des partis islamistes qui y ont pris part sont acceptés par les autres composantes de ces mouvements. C’est le cas par exemple des frères musulmans en Egypte. Dans la période actuelle, on constate clairement que l’islamisme politique n’a rien à voir avec le terrorisme. Au fond, la mort de Ben Laden va servir les révolutions arabes.

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