ANALYSES

Italie : «Silvio Berlusconi peut encore une fois renaître de ses cendres»

Presse
15 juin 2011
Interview de [Fabio Liberti->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=liberti], directeur de recherche à l’IRIS, par Bérénice Dubuc

Fabio Liberti est directeur de recherches à l’IRIS et spécialiste des questions européennes. Il analyse pour «20 Minutes» les conséquences pour la vie politique italienne des deux revers électoraux successifs du Cavaliere…


Quinze jours après avoir été humilié aux municipales, Silvio Berlusconi a essuyé un nouveau revers lundi, lorsque les Italiens ont massivement voté lors d’un référendum contre la loi sur son immunité pénale, pour l’interdiction du retour au nucléaire et contre la privatisation de l’eau. Ce nouvel échec signe l’affaiblissement du gouvernement au pouvoir, mais signe-t-il l’arrêt de mort politique du Cavaliere lui-même? Pas sûr, selon Fabio Liberti, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste des questions européennes.


Après ces deux revers successifs, Silvio Berlusconi est-il mort politiquement?

On l’a dit fini politiquement à de nombreuses reprises, mais il est toujours là, donc je ne dirais pas que c’est fini pour lui. Disons qu’il est en train de devenir une espèce en voie de disparition. Mais, comme c’est quelqu’un qui a énormément de ressources, il peut encore une fois renaître de ses cendres.


Ces deux votes sanction n’ont donc rien changé?

Si. Il y a désormais un climat politique nouveau qui règne en Italie. Ces deux revers politiques ont eu lieu coup sur coup, et sont d’importance. Les municipales, d’abord, où Berlusconi a perdu non seulement à Naples, ville traditionnellement à gauche qu’il aurait dû remporter facilement du fait du scandale des ordures, mais aussi à Milan, «sa» ville, la ville anti-gauche par excellence, d’où sont issus les deux tiers des membres du gouvernement. C’est comme si Nicolas Sarkozy perdait à Neuilly. Le référendum est aussi un revers important, car il faut qu’un certain nombre de citoyens demandent la tenue d’un référendum, et pour qu’il soit valable, il faut atteindre le quorum de 50% de votants plus une voix. Or, cela faisait 16 ans que ces conditions n’avaient pas été réunies. C’est le signe de la mobilisation des citoyens contre Berlusconi.


Il y a donc un ras-le-bol de Berlusconi en Italie?

Oui, on sent une certaine fatigue à son encontre. L’opinion publique a été plutôt indulgente sur ses frasques et sur sa vie privée, tant que cela n’avait pas de répercussions sur le plan pénal. Mais, dès lors que les scandales sexuels ont éclaté, la donne a changé. Sans compter le fait que l’opinion publique n’avait plus trop d’espoir quant à son action gouvernementale. Les problèmes économiques, notamment, ne sont pas réglés après 10 ans de pouvoir de Berlusconi. La croissance économique par exemple, est proche de zéro depuis une dizaine d’années. C’est cela qui est le plus embêtant pour les Italiens. Ils se rendent compte que, non seulement il y a un mélange entre sphère publique et privée, mais surtout que le gouvernement est monopolisé par des lois qui n’ont aucun impact sur les questions qui les préoccupent – l’économie, le chômage…


À qui profitent ces revers du Cavaliere?

Pas à l’opposition parlementaire, c’est sûr. C’est surtout la gauche radicale qui a le vent en poupe, mais aussi toutes les associations citoyennes, la société civile. Lors des municipales, c’est un maire d’extrême gauche qui a été élu à Milan, et à Naples, le candidat élu appartient à un parti de gauche, mais a battu celui de la gauche parlementaire. Je crois que partout en Europe, il y a une percée des populismes. Or, en Italie, avec Berlusconi et la Ligue du Nord, on a déjà goûté au populisme, et on est désormais à une étape plus avancée: c’est au tour de la gauche radicale, qui recèle elle aussi quelques tendances au populisme, mais il y a aussi un élan citoyen, qui est selon moi un facteur d’espoir pour l’avenir.


Que va faire Berlusconi désormais?

Il n’a pas démissionné, et c’est logique: c’est comme si, en France, Sarkozy démissionnait parce que la droite avait perdu les élections à Lyon. Mais il va être obligé d’agir. Pour conserver le pouvoir, il va devoir modifier son action politique. Reste à savoir s’il va s’emballer dans la démagogie et se concentrer sur la réforme fiscale pour faire baisser les impôts, chose qu’il promet depuis longtemps et qui pourrait mener le pays à la catastrophe en le mettant dans la même situation que la Grèce ou l’Espagne, alors que jusqu’alors sa politique de rigueur budgétaire permettait d’éviter cet écueil.

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