ANALYSES

« Je ne crois pas à une guerre contre l’Iran »

Presse
22 février 2012
Thierry Coville - Arte journal
Comment interpréter cette nouvelle rebuffade de l’Iran ?

Ce qu’il faut voir, c’est que l’Iran, culturellement et tout au long de son histoire, plus on l’agresse et moins elle plie. Or là, quand-même, avec l’embargo pétrolier on attaque le cœur de l’Iran. Sarkozy dit "on a rien contre la population iranienne", mais imaginez qu’on supprime 60% des recettes budgétaires de la France ? Le pétrole c’est 60% des recettes budgétaires de l’Iran. Donc les Iraniens s’estiment attaqués par ces mesures, et dans leur culture on ne peut pas laisser passer ça. Ils ont aussi le sentiment que l’AIEA ne joue plus le jeu avec son nouveau directeur. Ils voient le nouveau directeur – contrairement à El Baradei – comme très sensible aux pressions américaines et européennes. Par ailleurs, ils ont donné le nom d’un certain nombre de scientifiques iraniens à l’AIEA et donc ils disent : « on a coopéré avec vous et ces informations qu’on vous a donné ont conduit à l’assassinat de ces scientifiques.


Le Mossad est soupçonné d’être derrière ces assassinats et Israël fait planer la menace d’une éventuelle attaque contre les installations nucléaires iraniennes. Pensez-vous l’hypothèse d’une attaque israélienne inévitable ?

Je ne dis pas que c’est du bluff complet, on sait qu’il y a des plans militaires et qu’Israël l’a déjà fait par le passé. Mais je pense que cela relève plutôt du « retenez-moi, sinon je fais un malheur. » Il y a la perspective des élections présidentielles américaines qui donnent une fenêtre d’opportunité à Israël pour être plus entendu sur ce sujet, parce que Barack Obama ne doit pas se montrer faible vis à vis de l’Iran pour sa réélection. D’un autre côté, moi ce que j’entends, c’est que le gouvernement américain est complètement et totalement opposé à une attaque israélienne.


Aux USA, plusieurs ténors du département de la Défense ont tenté de calmer le jeu avec des déclarations beaucoup moins alarmistes que la presse sur l’imminence d’une bombe atomique iranienne. La menace est-elle exagérée ?

Pour l’instant on a aucune preuve que l’Iran est en train d’enrichir de l’uranium à 90% pour construire une bombe atomique. On n’a pas cette preuve du tout. Vous vous rendez compte, si on prenait toutes les déclarations depuis 2002 qui nous disent que dans un an l’Iran aura la bombe ! Ils se sont trompés ! Moi je ne suis pas certain que le régime a pris cette décision. Le processus de prise de décision est très compliqué en Iran, il faut que tout le monde soit d’accord, moi je ne suis pas du tout certain qu’ils ont pris cette décision.


Croyez-vous en l’imminence d’une confrontation ?

Autant je ne crois pas à une guerre, autant je crois que cette toute stratégie basée sur l’idée d’affaiblir l’Iran d’une façon ou d’une autre pour les faire céder est une politique sans issue et dangereuse.


Quelle serait selon vous la bonne stratégie ?

Je pense qu’il aurait été bon d’impliquer la Turquie ou des pays émergents qui ont de meilleures relations avec l’Iran dans les négociations. Le problème c’est qu’on a tellement pris de haut le Brésil et la Turquie quand ils ont obtenu leur accord avec l’Iran que je ne suis pas sûr qu’ils veuillent vraiment se ré-impliquer dans les négociations.

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