ANALYSES

En Syrie, « la prise de Homs ne marque pas la fin de la rébellion »

Presse
2 mars 2012
Didier Billion - francetv.fr

Les forces armées de Bachar Al-Assad ont pris, jeudi 1er mars, le quartier de Baba Amr, le bastion des rebelles à Homs (ouest), ville phare de la contestation. Cette défaite des opposants au président syrien est symboliquement très forte et prouve la détermination du pouvoir en place à éradiquer la contestation.


Chercheur spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Didier Billion revient pour FTVi sur les enjeux de cette chute et les perspectives de sortie de conflit.


Peut-on parler de tournant en Syrie, après la prise par l’armée de Homs ?

Cela représente clairement un tournant dans les affrontements entre les rebelles et l’armée de Bachar Al-Assad. Homs était un point de fixation de l’insurrection. Il a été brisé et on peut redouter le nettoyage terrible qui va être fait par les forces syriennes. Les rebelles ont perdu une bataille militaire et politique importante, d’autant que Homs était stratégique : la ville se situe au confluent de zones de transports et de communication. Mais cet épisode n’est pas totalement déterminant, car il ne marque pas pour autant la fin de la rébellion.


Les rebelles peuvent-ils encore tenir malgré cette défaite ?

Tant que la contestation n’est pas éradiquée, de nouveaux points d’affrontements vont se créer ailleurs en Syrie. Cela se fera probablement surtout aux abords des frontières, près du Liban ou de la Turquie, parce que les Syriens peuvent y recevoir de l’aide humanitaire et des armes. C’était le cas à Homs.


La difficulté réside dans le fait que le mouvement de contestation n’a pas de moyen de pression sur le pouvoir. Cependant, ce dernier n’arrive pas à mettre fin à la contestation. C’est un bras de fer qui se joue. Bachar Al-Assad est, lui, dans une sorte d’autisme. Il ne contrôle pas tout, alors il ira jusqu’au bout dans la répression.


A-t-on déjà assisté à un conflit de cette ampleur en Syrie ?

Non, c’est la première fois dans l’histoire du pays que cela arrive. Il y a eu beaucoup de guerres en Syrie. On pense souvent au terrible massacre de Hama par Hafez Al-Assad [le père de Bachar Al-Assad] en 1982, mais le contexte était différent. A l’époque, les Frères musulmans avaient lancé des attaques terroristes contre le régime. Mais jamais en Syrie un conflit interne n’a pris l’ampleur qu’il connaît aujourd’hui, car une grande partie de la population, à travers tout le pays, conteste le pouvoir en place. Et la répression qui frappe les civils est terrible.


Quelles solutions existe-t-il pour régler ce conflit ?

Il n’y aura pas de dialogue possible entre Bachar Al-Assad et l’opposition tant que cette dernière exigera le départ du dirigeant comme condition sine qua non au dialogue.


Il y a en fait deux oppositions : celle qu’on appelle de l’intérieur en Syrie. Exigeante, elle est toutefois prête à envisager l’ouverture d’un dialogue avec le pouvoir. Un de ses figures les plus connues est Michel Kilo. Et puis, il y a l’opposition de l’extérieur, représentée par le Conseil national syrien (CNS), en exil et nationaliste.


Le CNS continue d’exiger le départ de Bachar Al-Assad et refuse toute négociation. A cause de cela, il y a blocage. Et les pays comme le Qatar et l’Arabie Saoudite, en leur apportant leur soutien, en armes notamment, mettent de l’huile sur le feu. Aujourd’hui, il n’existe pas d’accord sur l’attitude à adopter vis-à-vis du régime en place, si bien que le dialogue reste impossible.


Quel rôle la communauté internationale peut-elle jouer dans la résolution du conflit ?

Selon moi, il est clair que la solution ne pourra venir que de l’extérieur. Actuellement, les Syriens ne possèdent pas les ressources politiques pour pouvoir s’asseoir à une même table. Il leur faudra accepter une médiation. La solution peut venir des Russes. Ils ont été protecteurs d’une certaine manière vis-à-vis du régime, en refusant l’ingérence armée, mais ils ne le ménagent pas pour autant. Ce n’est pas encore la guerre civile totale. Il existe une fenêtre d’opportunité pour que ce conflit puisse se régler.

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