ANALYSES

La crise, 4 ans après : l’Europe abandonnée par les Européens

Presse
4 septembre 2012
- Atlantico.fr

Le dernier Eurobaromètre publié par la Commission européenne en juillet 2012 révèle une crise de confiance envers l’Union européenne (UE) qui a atteint un niveau record au printemps 2012 : 31% des personnes interrogées avouent en effet ne pas faire confiance à l’UE, un chiffre en baisse constante depuis l’automne 2010. De même, l’image de l’UE s’est dégradée dans l’opinion publique européenne : seuls 31% déclarent avoir une vision positive, une chute de 17 points par rapport à l’automne 2009. Autre donnée significative : l’UE n’est plus considérée comme l’acteur le plus efficace contre la crise économique et financière (comme c’était encore le cas dans l’eurobaromètre précédent d’automne 2011). Avec 21% de réponses favorables, l’acteur européen est aujourd’hui talonné par les gouvernements nationaux (21%) même s’il devance toujours le FMI (15%) ou le G20 (14%). L’opposition à l’euro est aussi croissante : 52% se déclarent encore favorables, chiffre le plus bas depuis le printemps 2006.


Cette défiance doit pourtant être relativisée dans la mesure où une majorité de citoyens restent attachés à l’UE et continuent de souhaiter une coopération plus étroite entre les Etats européens (84%). Ils sont par ailleurs 63% à penser que l’UE dispose de suffisamment de pouvoir et d’outils pour défendre les intérêts économiques de l’Europe dans l’économie mondiale.  Cette défiance ne vise donc pas tant les capacités attestées de l’union que ses performances, l’UE étant accusée d’être trop éloignée des préoccupations des citoyens et de ne pas les protéger efficacement ; de là, cette tentation du repli national, à l’œuvre aujourd’hui dans l’attitude des Etats européens à l’égard de la Grèce et des plans de sauvetage la concernant. Mais l’euroscepticisme est aussi la conséquence du faible pouvoir d’identification politique de l’UE et de la difficulté de ses institutions à faire naître une conscience européenne. Critiquées pour leur complexité et leur caractère trop abstrait, ces institutions nourrissent le déficit démocratique dont souffre aujourd’hui l’UE ; et par extension, donne des arguments aux partis d’extrême droite, dits nationaux-populistes, dont la poussée est aussi un trait marquant de l’euroscepticisme ambiant.


La poussée des populismes comme symptôme de l’euroscepticisme

Depuis plusieurs années, on observe une croissance du vote en faveur des partis d’extrême droite, y compris dans des pays où la crise économique est restée limitée : c’est le cas de la Suisse ou des pays scandinaves. Si ces partis construisent leur argumentaire autour de la survie identitaire de la nation dans un contexte de mondialisation exacerbée qu’ils considèrent comme une menace, ils accusent également l’Union européenne d’être aux ordres de ce « projet mondialiste » de démantèlement planifié des cadres nationaux pour réaliser une humanité sans frontières.Ainsi, s’ils surfent sur la vague d’euroscepticisme, ces partis doivent plutôt être classés dans la catégorie des europhobes qui s’opposent en tous points au processus d’intégration européenne. Les partis d’extrême gauche ne sont pas en reste et développent à leur tour un discours eurosceptique, comme aux pays Bas ou en Grèce, sans pour autant réclamer une sortie de l’Union européenne.


Leurs critiques visent plus particulièrement l’ensemble des structures européennes qui portent atteinte à la souveraineté nationale, comme l’euro, le Traité de Lisbonne ou encore le Pacte budgétaire européen qui prive les Etats d’une partie de leurs prérogatives budgétaires. Ils construisent aussi leur discours contre cette Europe communautaire qu’ils perçoivent comme anti-démocratique, qualifiant les fonctionnaires de Bruxelles de « technocrates » et les traités européens de « diktats » qui s’imposent aux citoyens européens quelles que soient leurs opinions. C’est pourquoi ils proposent, comme c’est le cas aux Pays Bas ou en France, d’organiser un référendum sur la sortie de l’euro. S’ils sont favorables à la coopération entre les pays d’Europe, ils ne l’envisagent que dans un cadre intergouvernemental et rejettent toute idée de fédération européenne.


Aujourd’hui, une partie de l’opinion publique souscrit à cette rhétorique, moins par réflexe europhobe qu’en raison de la séduction exercée par un discours prônant le repli national en des termes populistes, face à une Union européenne qui peine à apporter des solutions efficaces à la crise et au défi lancé par la mondialisation.

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