ANALYSES

Il est temps de reconnaître un Etat palestinien

Presse
26 septembre 2012
Béligh Nabli - Libération

Depuis le retour de la gauche au pouvoir, à défaut de se faire entendre, la voix de la France dans le conflit israélo-palestinien se fait attendre. II convient certes de ne pas céder au volontarisme gesticulatoire qui a marqué le mandat de Nicolas Sarkozy. II n’empêche, la France ne saurait se payer le luxe de l’attentisme ou de l’ambiguïté sur ce dossier central de la vie internationale. Au-delà des discours et autres appels à la paix, il importe aujourd’hui d’exprimer une position claire sur la reconnaissance d’un Etat palestinien, et a fortiori sur la demande d’obtention du statut d’Etat non membre de l’ONU qui sera formulée à la fin de la semaine par le président de l’Autorité palestinienne devant l’Assemblée générale de cette organisation universelle.


Le nouveau président de la République va-t-il traduire en acte la volonté politique exprimée publiquement lorsqu’il était candidat ? Une interrogation légitime au regard de l’évolution de sa position depuis un an, qu’il est possible de résumer en trois temps.


Acte I, dans une proposition de résolution socialiste déposée à l’Assemblée nationale  le 27 septembre 2011, le «député Hollande» estime avec les cosignataires qu’«un vote reconnaissant l’Etat palestinien, assorti de garanties, pour Israël [est] la voie permettant de rendre justice au peuple palestinien et de créer un climat régional de paix et de stabilité au Proche Orient» et invite « le gouvernement français à prendre au cours de la prochaine session de l’Assemblée générale de l’ONU les décisions permettant la reconnaissance et l’admission d’un Etat palestinien.»


Acte II, le «candidat Hollande» s’engage à prendre « des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine», et à soutenir « la reconnaissance internationale de l’Etat palestinien» (point 59 de son programme).


Acte III, l’entrée à l’Elysée coïncide avec une ligne plus équivoque. Dans son premier grand discours de politique étrangère prononcé devant la Conférence des ambassadeurs le 27 août, le «président Hollande» concède un simple « droit à l’autodétermination des Palestiniens», sans renouveler son engagement à reconnaître l’existence d’un Etat palestinien. Simple exercice rhétorique, repli tactique ou reniement ?


Alors qu’une large majorité de la «communauté internationale» soutient la création de l’Etat palestinien et son adhésion à l’ONU, les chancelleries occidentales continuent de se réfugier derrière une ligne politique peu convaincante, selon laquelle cette perspective est souhaitable voire inéluctable mais prématurée.


Si l’impératif avancé d’une solution concertée avec Israël est théoriquement raisonnable, en pratique il revient à soumettre toute reconnaissance de l’Etat palestinien à l’accord préalable d’Israël, qui défend pour sa part le principe d’une négociation sans condition, c’est-à-dire sans arrêt de la colonisation. En outre, si la création d’un Etat palestinien est admise dans son principe (le Premier ministre Benyamin Nétanyahou s’y est engagé dans une lettre remise au président Mahmoud Abbas), la conception israélienne d’une telle entité laisse dubitatif. Le discours historique de Benyamin Nétanyahou prononcé à l’Université de Bar-IIan le 14 juin 2009 décrit ainsi une entité dotée de symboles étatiques (drapeau et hymne national), mais dépourvue des attributs essentiels de l’Etat et de certaines de ses fonctions régaliennes le «territoire alloué aux Palestiniens, sera sans armée, sans contrôle de l’espace aérien, sans entrée d’armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l’Iran ou le Hezbollah.» Le «territoire palestinien» décrit est indéfini, discontinu et amputé de Jérusalem-Est, le gel de la colonisation exclu. Quant au droit au retour des Palestiniens expulsés en 1948, il reste interdit. Si la garantie de la sécurité d’Israël est une exigence légitime, son coût est exorbitant pour un Etat palestinien défini d’emblée comme un «Etat à souveraineté partielle».


Certes, la reconnaissance d’un Etat palestinien et son adhésion à l’ONU ne sauraient résoudre le conflit israélo-palestinien. Pour autant, elles en sont des éléments constitutifs et des étapes décisives. Alors que les Etats-Unis de Barack Obama ont exprimé leur opposition à la candidature de la Palestine au statut d’Etat (non) membre des Nations unies, la France de François Hollande a l’occasion d’apporter sa pierre à l’édifice de la paix par un acte fort, juste et salutaire, soutenir l’adhésion de l’Etat palestinien à l’ONU et le reconnaître comme un sujet à part entière de la communauté internationale, à l’occasion de la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations unies. Par ce geste, la France renouerait avec sa tradition d’indépendance, entendrait l’aspiration à la liberté qui traverse le monde arabe et tiendrait en échec les tenants du choc des civilisations.

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