ANALYSES

Mali : six questions autour d’une intervention militaire contre Aqmi

Presse
29 septembre 2012
Pierre Jacquemot - TF1 News

Même si le Mali a demandé officiellement à l’Onu de valider une opération militaire internationale pour venir à bout des groupes islamistes qui contrôlent le Nord du pays, la mise en place effective d’une telle action pourrait prendre des semaines. Le point sur la situation avec TF1 News.


La semaine diplomatique onusienne a mis en exergue la crise malienne, où une intervention militaire internationale pourrait avoir lieu prochainement après la demande officielle du gouvernement de Bamako. Une telle action contre les groupes islamistes qui contrôlent le Nord du pays depuis ce printemps pose plusieurs questions.


Le feu vert de l’Onu est-il assuré ?

Paradoxalement, malgré la demande officielle du Mali, rien n’est moins sûr. Certes, l’Onu, qui a consacré une conférence à la question mercredi en marge de son Assemblée générale annuelle, admet l’"urgence" de la situation. Mais se montre aussi, et surtout, très prudente, sur les objectifs et les modalités d’une force militaire internationale. "Toute solution militaire pour résoudre la crise sécuritaire dans le nord du Mali devrait être envisagée avec une extrême prudence. Elle pourrait avoir de graves conséquences humanitaires", avertit Ban Ki-moon, le patron des Nations unies.


Résultat : même si François Hollande demande que le Conseil de sécurité, seul habilité à donner le feu vert, se retrouve le plus vite possible pour étudier la question, cette réunion n’a pas encore été programmée. Et il n’est pas certain que la majorité des 2/3 (soit neuf pays sur 15) soit obtenue. En tout état de cause, il ne faut pas s’attendre à un feu vert onusien avant fin octobre.


Qui participerait à une éventuelle force militaire ?

Sur ce point, le mot d’ordre est clair : si la communauté internationale, et notamment l’Europe, souhaite s’associer à la résolution de la crise, c’est aux Africains d’intervenir au sol. La tâche devrait donc revenir à la Cédéao (Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest). Celle-ci s’est mise d’accord la semaine dernière avec le Mali sur les grandes lignes de l’opération. Mais l’Onu, trouvant le plan trop flou, leur a demandé des précisions. Autre problème : certains pays de la Cédéo, comme la Mauritanie, sont loin d’être enthousiastes.


Quand la force militaire pourrait-elle être sur les lieux ?

Après avoir reçu le feu vert politique du Conseil de sécurité, une éventuelle "Micema" ("Mission de la Cédéao au Mali") ne serait pas opérationnelle immédiatement. "Il lui faudra un certain temps. Le dernier exemple le plus adéquat est le Libéria, où elle avait mis plusieurs semaines avant d’intervenir concrètement en raison de l’inertie intrinsèque au dispositif", expliquait déjà à TF1 News au début de la crise en avril dernier (!) Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste des questions économiques et politiques africaines.


Bref, il ne faut pas s’attendre à l’arrivée de soldats africains au Mali avant début 2013. Au mieux. Certains diplomates estiment même que la restructuration de l’armée malienne à l’agonie depuis mars dernier, préalable à toute intervention, prendra au moins 18 mois…


Quel serait le rôle de la France ?

Les diplomates français affirment que la résolution de la crise malienne, qui constitue selon eux une "menace directe et immédiate", est aujourd’hui la priorité, bien avant la Syrie.


Mais sur la question d’une participation effective (au sol principalement, mais aussi aérienne), François Hollande et Laurent Fabius, son ministre des Affaires étrangères, sont intransigeants : pas question d’envoyer de troupes, pour éviter à la fois de se retrouver dans un bourbier et d’être taxé de néo-colonialisme dans un pays autrefois contrôlé par Paris. Sur le plan intérieur, il serait aussi politiquement difficile de justifier l’accélération du retrait d’Afghanistan, où les soldats français combattent les talibans, pour ensuite les renvoyer contre les islamistes au Mali.


De son côté, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, réfute que Paris prépare les plans de l’opération. Mais il confirme que Paris étudie bien la question d’un "soutien logistique". Les militaires français déjà présents dans la région du Sahel pourraient également effectuer des missions de formation de leurs homologues africains. Les autres pays occidentaux se situent grosso modo sur la ligne française. Officieusement, il est cependant fort probable que des commandos des forces spéciales interviennent par petits groupes de manière ponctuelle.


La force militaire a-t-elle les moyens de battre les islamistes ?

Plusieurs diplomates font remarquer que si la Cédéao est une force sur le papier, elle n’a pas assez de troupes à fournir. Pour l’instant, elle affirme pouvoir envoyer 3.000 hommes -contre environ 1.000 "ennemis".


Surtout, les soldats de la Cédéao sont-ils formés à combattre dans le désert les "katiba", ces petites unités mobiles d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), fortement armées après avoir récupéré les armes provenant de Libye après la chute de Mouammar Kadhafi, ou encore les milices d’Ansar Dine ou de Mujao ? Rien n’est moins sûr, d’autant que ces groupes islamistes, même s’ils sont composés en grande partie de jeunes recrues, auront disposé de plusieurs mois pour se préparer. D’où la nécessité d’un soutien français.


Quid des otages ?

Aqmi détient six Français -et une dizaine d’Occidentaux au total. La confusion qui règne dans le pays n’a bien sûr pas facilité les négociations ces derniers mois. Aujourd’hui, après le soutien français à une intervention militaire, il n’est bien sûr plus question de pourparlers. Au contraire, en représailles, Aqmi menace désormais de tuer ses otages. Interrogé mercredi par LCI, Jean-Pierre Verdon, le père de Philippe Verdon, s’est dit très "angoissé".

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