ANALYSES

Romney, « à la fois détendu et percutant »

Presse
4 octobre 2012
Barthélémy Courmont - Le Monde.fr

Le débat qui opposa mercredi 3 octobre Barack Obama à Mitt Romney à Denver (Colorado) est le plus important des trois joutes présidentielles auxquelles se livreront les deux candidats avant l’élection du 6 novembre.


D’abord parce qu’il s’agit de la première confrontation, et elle peut ainsi influencer les suivantes. Ensuite parce qu’elle était consacrée aux questions de politique intérieure, l’accent étant mis sur les politiques économiques et sociales, et il s’agit sans surprise du thème le plus important de cette campagne. Enfin, ce débat était un test pour Mitt Romney, en retard dans les sondages, et à certains égards sa dernière chance de revenir dans la course. Sur ce point, l’ancien gouverneur du Massachussetts s’est montré très convaincant, et est unanimement désigné comme "vainqueur" de ce débat, un sondage de CNN indiquant même que pour 67 % des électeurs interrogés, contre seulement 25 % à Obama, il a remporté ce premier duel. Au-delà de ces estimations qui sont discutables et dont les effets sur le vote du 6 novembre le sont tout autant, ce débat proposa une intéressante opposition de styles et de modèles de gouvernance.


Le style est indiscutablement ce qui permet aujourd’hui à Mitt Romney de se replacer dans la course à la présidence, et d’être désigné "vainqueur" de ce débat. Fort d’une préparation méticuleuse, le candidat républicain était à la fois détendu et percutant. Il gomma les imperfections relevées pendant les débats des primaires républicaines, multiplia les références explicites à des personnes rencontrées pendant sa campagne, et alla systématiquement droit au but.


A l’inverse, Barack Obama utilisa un temps de parole plus long (10 % en plus, ce qui est beaucoup), et opta pour un style plus professoral, privilégiant l’explication sur la description. Le président sortant, qui défend son bilan, s’est parfois montré agacé par les remarques de son rival, et a raté plusieurs opportunités de l’attaquer en retour. Obama s’est souvent contenté de répéter qu’au-delà des critiques de son bilan, son adversaire n’a pas de véritable plan, et que ses propositions sont contradictoires.


Un tel discours peut conforter ceux qui voient dans la candidature de Romney une absence de programme, mais ne fait en revanche pas mouche chez les indécis. Obama a ainsi manqué de simplicité dans son argumentaire, à l’inverse de Romney. De cette opposition de styles plus tranchée qu’il y a quatre ans, le candidat républicain sort incontestablement vainqueur et c’est plutôt une surprise si on compare sa prestation avec ses récentes "gaffes", qu’Obama n’est à aucun moment parvenu à exploiter. Il est encore trop tôt pour savoir si ce débat influencera le vote, d’autant que l’économie est le sujet sur lequel Romney est le plus à l’aise (à l’inverse par exemple de la politique étrangère), mais son succès fait l’unanimité.


C’est cependant dans l’opposition de deux modèles qu’il faut trouver les principales leçons de ce premier débat. De manière très nette, deux projets de société s’opposent dans la campagne actuelle, et le clivage traditionnel entre Républicains et Démocrates refait surface. Cette tendance n’était pas aussi nette en 2008, et encore moins auparavant, mais elle constitue cette fois le cœur de l’élection.


Réductions des impôts contre des prélèvements à la hausse chez les plus aisés ; assurances maladie gérées au niveau des Etats contre couverture universelle de santé ; compagnies d’assurance privées contre sécurité sociale élargie ; budget de l’éducation : la confrontation entre les deux partis peut se résumer à une opposition entre small et big government. Les deux candidats ont fait à plusieurs reprises allusion à leurs propositions pour mettre fin des joutes partisanes, qui figurait d’ailleurs au programme des questions qui leur étaient posées. Non seulement ils ne sont pas parvenus à apporter des réponses satisfaisantes ("on a essayé, mais en vain" pour Obama, "j’ai réussi dans ce domaine dans le Massachussetts" pour Romney), mais ils ont en plus radicalisé leur discours et clairement mis en avant leurs divergences. Traversant la crise la plus sévère depuis les années 1930, l’Amérique est plus que jamais divisée sur les réponses à apporter pour relancer l’économie, lutter contre le chômage, résorber la dette et répondre aux défis sociaux.


Le vrai constat de ce débat est que, quel que soit le vainqueur de l’élection, la prochaine administration devrait être marquée par un durcissement des luttes partisanes, et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle dans le contexte économique actuel.


Le 6 novembre, les électeurs américains choisiront s’ils veulent poursuivre les réformes engagées par Barack Obama, ou laisser sa chance à Mitt Romney. Mais ils auront surtout à choisir entre deux modèles de gouvernance, deux projets de société totalement opposés, deux définitions distinctes de l’Amérique.

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