ANALYSES

Continuité et changement dans le dossier africain

Presse
13 octobre 2012
Pierre Jacquemot - La Marseillaise

Quel est l’état du dossier africain tel que légué par Nicolas Sarkozy et quelles sont les ambitions de François Hollande : le point avec Pierre Jacquemot de l’IRIS.


Quel est l’état du dossier Afrique dont hérite François Hollande ?

La mandature de Nicolas Sarkozy n’a pas été caractérisée par une politique africaine très singulière ni par un intérêt particulier pour l’Afrique francophone ou pour le reste du continent. Elle est de plus liée à un événement malheureux, le discours de 2007 dit de Dakar, où le président disait que l’Homme africain n’était pas encore entré dans l’histoire. Il a été prononcé à l’université Cheikh Anta Diop, historien africain qui a montré combien l’Afrique était depuis fort longtemps entrée dans histoire. Or, on sait la puissance des discours en Afrique. Ce discours de Dakar a ainsi éclipse celui de Cotonou où Nicolas Sarkozy prônait l’ouverture et le renouveau des relations entre la France et l’Afrique, n’est d’ailleurs éclairant de voir que le discours sur les nouvelles relations avec l’Afrique se retrouve chez François Hollande. Il y a là une certaine continuité dans le langage.


Mais où en est-on ? Le retour en grâce de Robert Bourgi héritier des réseaux de la Françafrique ou le limogeage du secrétaire d’Etat à la coopération Jean-Marie Bockel sur demande du défunt Omar Bongo laissent penser que les annonces n’ont pas été suivies d’effets ?

La Françafrique que l’on associe à un réseau mafieux au profit d’intérêts économiques, est-elle toujours vivace ? Si des individus perpétuent ce style arrogant, affairiste et condescendant, le système a du plomb dans l’aile. Ce qui rend plus facile un discours sur de nouvelles relations. En revanche, il me semble que François Hollande aura un ton plus direct sur les questions des droits de l’homme et du fonctionnement démocratique dans les pays africains ; un ton Sarkozy n’avait pas. On sent que François Hollande va à Kinshasa non pour donner des leçons mais rappeler que le respect des droits de l’homme et de l’état de droit font partie de valeurs de la francophonie. Ce qui ne peut que conforter les acteurs qui se battent contre les oppressions et pour la défense des libertés d’opinion, d’expression, etc.


La mandature précédente a aussi été très critiquée sur l’aide publique au développement, car en baisse et trop liée à la question de l’immigration ?

Elle n’a en effet pas augmente ces dernières années et avec ses 0,45% du PIB elle est toujours inférieure aux engagements annonces qui étaient de 0,7%. Il n’y a donc pas eu d’effort notamment en direction de l’Afrique. Ce qui pose vraiment un problème car la France n’est plus  le partenaire privilégié. Il y a aussi effectivement eu cette tentative de lier le retour des migrants à l’octroi d’une aide publique. C’est un large échec mais c’est aussi un sujet très ancien que l’on trouve déjà avec la prime au retour des travailleurs immigrés de Lionel Stoléru en 1977 sous Giscard d’Estaing. Cela fait des années ans que l’on tente de réaliser des opérations avant appelées de « co-développement » mais qui restent très marginales.


Pour certains, la baisse de l’aide publique a aussi eu un impact sur la crise au Mali ?

Il y a une critique assez répandue qui estime que la France n’a pas assez fait dans le Sahel au bénéfice des populations en terme de développement et que cela a favorisé la crise économique qui a laissé un terrain vierge pour les Salafistes. C’est un élément. ‘Non seulement l’aide au développement est compliquée dans cette zone mais la situation actuelle découle d’autres facteurs comme les retombées de ce qui s’est passé en Libye avec un large déploiement d’armes dans la zone.


La problématique énergétique reste-t-elle toujours centrale ?

L’Afrique attise toujours les convoitises pour ses terres, ses mines et son pétrole. Le prix du baril est tel qu’il a rendu rentables d’autres techniques d’exploitation et de nouvelles régions d’accéder au rang des producteurs comme le Mozambique ou le Tchad. La France est dans ce jeu avec Total, parfois dans des alliances avec d’autres pays parfois seule. Et c’est évidemment une compétition difficile. Dans ce contexte qui n’a rien de nouveau, l’attitude de François Hollande est nouvelle. Dans un discours il a mentionné l’affaire des biens mal acquis sans citer la Guinée équatoriale que chacun a cependant évidemment reconnue (I). Or, ce pays est un producteur de pétrole important et il est évident que de tels propos vont rendre les négociations de Total plus compliquées. Mais c’est un choix respectable où le politique a primé sur l’économie.

Sur la même thématique