ANALYSES

A l’approche du Congrès du parti, la Chine change d’état-major

Presse
25 octobre 2012
Jean-Vincent Brisset - Le Monde.fr

A l’approche du 18e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui débutera le 8 novembre, la Chine vit une période de transition d’une génération de dirigeants à une autre, qu’on voit une fois tous les dix ans. Avant ce Congrès, au cours duquel va être annoncée la nouvelle génération de dirigeants, un certain nombre de nominations et de mouvements se font au sein du parti, ainsi que de l’armée. Ces derniers jours, plusieurs nominations ont été effectuées au sein de l’état-major, une manière de préparer le renouvellement, lors du Congrès du PCC, de la commission militaire centrale (CMC), organisme permettant au parti de contrôler l’armée.


Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS et auteur de Manuel de l’outil militaire (Editions IRIS, 2012), décrypte ces changements à la tête de l’état-major chinois.


A l’approche du 18e Congrès du Parti communiste chinois, où devrait être nommés les futurs dirigeants de la Chine, les changements à la tête de l’état-major traduisent-elles un bouleversement ?

On a tendance à parler de grand remue-ménage à la tête de l’état-major chinois mais ce n’est pas vraiment le cas, ce renouvellement est normal. Ce d’autant plus depuis que la retraite des généraux a été fixée à 70 ans. Des places se libérent maintenant très régulièrement. On le voit notamment au sein de la Commission militaire centrale du PCC dont une grande partie des douze membres, qui arrivent en limite d’âge, sera renouvelée lors du Congrès du 8 novembre. Ils partiront tous à la retraite à l’exception de Xi Jinping, qui opère une sortie par le haut en prenant la direction du parti. On ne sait pas quelle politique ce dernier appliquera. Il semble être proche de la frange du parti prête à réformer mais pourront-ils le faire ?


En revanche, ce renouvellement a lieu dans un contexte violent car la guerre de succession à la tête de l’Etat chinois se passe mal. On observe des bagarres très dures pour les places au pouvoir. Beaucoup de voix s’élèvent pour dire que l’armée doit davantage être celle de l’Etat que du parti. Ce qui est intéressant car on a toujours estimé qu’en Chine, parti, Etat et armée sont liés. On a l’impression que, de plus en plus et ce depuis l’arrivée de Hu Jintao, chacun tire de son côté. Celui-ci représente une mouvance composée de gens qui ont essayé de faire de la Chine un pays normal, à l’encontre de ceux qui ont adopté des positions dures pour satisfaire les nationalistes comme Bo Xilai. Chacun essaie de pousser ses pions mais en Chine, il est toujours difficile de comprendre les dessous des décisions.


Quelles nominations pourraient avoir des incidences sur la physionomie du pouvoir militaire ?

La nomination du général Ma Xiaotian, 63 ans, à la tête de l’armée de l’air est assez classique. Ce qui est plus rare c’est qu’il remplace quelqu’un de plus jeune que lui, Xu Qiliang. Ce dernier est pressenti pour devenir un des deux vice-présidents de la Commission militaire centrale du PCC. Le second vice-président devrait être le général Zhang Yang, 62 ans, qui vient d’être nommé à la tête de la direction générale politique. Zhang s’est fait remarquer par un article écrit en juin dans le Quotidien du peuple où il a appelé à un loyalisme absolu envers le chef du parti pendant les opérations militaires menées en temps de paix. Il y aurait ainsi à la vice-présidence du CMC un représentant de chacune des deux tendances : Ma Xiaotian davantage dans la mouvance opérationnelle favorable à un contrôle plus lâche du parti sur l’armée et Zhang Yang dans la mouvance favorable au loyalisme de l’armée envers le parti.


La stratégie militaire chinoise est-elle amenée à changer avec ces nominations et celles à venir ?

Le Congrès du parti à partir du 8 novembre, et notamment la nomination du CMC, sera une première indication de changements à venir. Si ces nominations à la vice-présidence du CMC se confirment, l’armée de terre ressortira comme la grande perdante de ces changements car elle perdrait les deux postes de vice-président qu’elle détenait jusqu’à présent. L’arrivée du général Ma Xiaotian à la vice-présidence du CMC, qui décide de la répartition des budgets, pourrait mettre l’accent sur l’armée de l’air dans la stratégie militaire chinoise.


Une des questions qui se posent est de savoir si Hu Jintao, qui quittera la direction du parti et de l’Etat à ce moment-là, conservera son poste de président de la CMC et le cas échéant, pour combien de temps. Cela s’est fait par le passé, notamment avec son prédécesseur Jiang Xemin qui a conservé ce poste deux ans, avant qu’il ne soit confié à Hu Jintao en 2004. Cela permet de limiter le pouvoir et laisse les militaires s’organiser vis-à-vis du parti. Hu Jintao essaie de tirer l’armée vers l’Etat en la sortant de l’influence du parti.


Mais, les décisions concernant l’armée et la stratégie militaire ne devraient être prises qu’en mars 2013 lors de l’Assemblée nationale populaire où seront nommés les dirigeants de l’Etat (président, premier ministre et gouvernement notamment). C’est à ce moment que doivent être faites les annonces sur les nominations, les réformes militaires et le budget de l’armée. On saura alors si un rééquilibrage du budget militaire est opéré pour notamment moderniser la flotte d’avions de l’armée chinoise.

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